Gestion de l'eau

Préserver le bassin versant du lac Saint-Charles, un enjeu vital pour l’avenir de la Ville de Québec

Gabriel Vallée | 4 mars 2025

À quelques kilomètres du centre-ville de Québec, le lac Saint-Charles est bien plus qu’un simple plan d’eau. Il est le réservoir principal pour la prise d’eau potable de la Ville de Québec, qui alimente à environ 11 km en aval du lac Saint-Charles, plus de 300 000 personnes. C’est également un refuge pour une biodiversité précieuse. Pourtant, son équilibre écologique est en péril. L’urbanisation croissante, la pollution et les changements climatiques mettent à mal le bassin versant du lac de 148 km². Les eaux qui l’alimentent, autant les eaux souterraines que les eaux de surface, apportent une quantité trop importante de nutriments, tels que l’azote et le phosphore qui contribuent à l’eutrophisation. D’autres contaminants, tels que les sels de voirie, issues du réseau routier, sont également problématiques. Il est donc essentiel de préserver cette ressource précieuse pour l’alimentation de la population de la ville de Québec.

L’amont du bassin, un filtre naturel menacé

Quand la pluie tombe sur une forêt, elle s’infiltre lentement dans le sol, purifiée au passage par la végétation et les racines qui retiennent les sédiments et les polluants. Mais quand cette même pluie tombe sur une rue asphaltée ou un quartier résidentiel, elle ruisselle rapidement vers les cours d’eau, emportant avec elle des hydrocarbures, des pesticides, des sels de déglaçage et d’autres contaminants. Le bassin versant du lac Saint-Charles a subi une urbanisation rapide ces dernières décennies, entraînant la destruction de nombreuses zones humides et forêts qui jouaient autrefois le rôle de filtres naturels.

En plus de ces polluants chimiques, une autre menace plus insidieuse s’ajoute : l’apport excessif en nutriments comme le phosphore et l’azote, en provenance des eaux usées (environ 2200 installations septiques dans le bassin versant du lac Saint-Charles et deux usines de traitement d’eaux usées à étang aérées en amont du lac). En 2006, une première efflorescence de cyanobactéries a été rapportée. Depuis, une eutrophisation accélérée est observée. C’est un avertissement clair que nous devons changer nos pratiques avant qu’il ne soit trop tard.

 

Le lac Saint-Charles, un réservoir en souffrance

Nous avons tendance à voir un lac comme une simple étendue d’eau stagnante. En réalité, il s’agit d’un écosystème dynamique, fragile et interconnecté. Chaque geste posé sur ses rives, sur le lac et dans son bassin versant à un impact. La navigation, par exemple, remue les sédiments du fond du lac, rendant l’eau plus trouble et limitant la lumière essentielle aux plantes aquatiques. L’artificialisation des berges avec des quais et des murs de soutènement empêche la végétation naturelle d’absorber l’excès de nutriments et accélère l’érosion des sols. Dans le cas du lac Saint-Charles, c’est l’urbanisation croissante dans l’ensemble dans son bassin versant ainsi que les eaux usées en provenance des installations septiques autonomes et des deux usines de traitement d’eaux usées sont particulièrement problématiques. À cela s’ajoute le réseau routier, la coupe forestière, etc.

Ce qui se passe dans le lac aujourd’hui déterminera la qualité de notre eau demain. Si nous continuons à y déverser trop de polluants et de nutriments, il finira par perdre sa capacité naturelle d’autoépuration. Nous nous retrouverons avec un coût de traitement qui risque d’augmenter, avec des conséquences directes sur les citoyens et l’environnement.

En aval, l’eau potable en jeu

Lorsque l’eau quitte le lac Saint-Charles, elle poursuit son parcours à travers des cours d’eau avant d’arriver à l’usine de traitement d’eau potable. Mais plus l’eau brute est polluée à la source, plus son traitement devient complexe et coûteux. Dans certaines villes, comme Tolède en Ohio, une prolifération massive de cyanobactéries en 2014 a forcé les autorités à couper l’accès à l’eau potable pour 300 000 personnes. Ce genre de scénario peut sembler lointain, mais il pourrait devenir une réalité ici si nous ne prenons pas les bonnes décisions maintenant.

Préserver l’eau du lac en amont signifie moins de traitements chimiques en aval. Cela signifie une eau plus saine, plus accessible et une protection renforcée contre d’éventuelles crises. Chaque action entreprise aujourd’hui pour réduire la pollution du bassin versant se traduira par une eau plus propre et plus facile à traiter dans le futur.

Un choix collectif pour l’avenir

L’eau potable est un bien commun, mais aussi une ressource fragile. Le bassin versant du lac Saint-Charles nous fournit une eau d’une qualité exceptionnelle, mais cette qualité dépend directement des choix que nous faisons aujourd’hui. Pouvons-nous nous permettre d’attendre que la situation devienne irréversible avant d’agir ? Ignorer la dégradation de cet écosystème, c’est nous exposer à des coûts environnementaux, économiques et sanitaires bien plus lourds à supporter à l’avenir.

La vraie question n’est pas de savoir si nous avons les moyens d’agir, mais si nous avons les moyens de ne pas le faire.

AGIRO. (2010). Suivi des cyanobactéries au lac Saint-Charles : Rapport d’étape 2010. Association pour la gestion intégrée de la rivière Saint-Charles (AGIRO). https://agiro.org/wp-content/uploads/Suivi_cyano_lac_saint_charles_rapport_etape_2010_APEL.pdf

Ville de Québec. (2022). Projet de 216 M$ sur 20 ans pour la protection du lac Saint-Charles. Ville de Québec. https://www.ville.quebec.qc.ca/citoyens/environnement/eau/protection-cours-deau/bassins-versants-et-sources-deau-potable/docs/Projet%20de%20216%20M$%20sur%2020%20ans%20pour%20la%20protection%20du%20Lac%20Saint-Charles.pdf

Ville de Québec. (2021). Synthèse des actions pour la protection du lac Saint-Charles. Ville de Québec. https://www.ville.quebec.qc.ca/citoyens/environnement/eau/protection-cours-deau/bassins-versants-et-sources-deau-potable/docs/Synth%C3%A8se%20des%20actions%20pour%20la%20protection%20du%20lac%20Saint-Charles.pdf

 

Ville de Québec. (2020). Réaménagement des eaux pluviales du lac Saint-Charles. Ville de Québec. https://www.ville.quebec.qc.ca/citoyens/environnement/eau/protection-cours-deau/menaces-et-actions-preventives/docs/reamenagement-eaux-pluviales-lac-saint-charles.pdf

 

AGIRO. (2020). Guide des ouvrages de gestion des eaux pluviales dans le bassin versant du lac Saint-Charles. Association pour la gestion intégrée de la rivière Saint-Charles (AGIRO). https://agiro.org/wp-content/uploads/GuideOuvrages_vF_2020-07.pdf