Marie-Pier Michaud | 6 avril 2021
Dominique Michaud est professeur au Département de phytologie et directeur du Centre de recherche et d’innovation sur les végétaux de l’Université Laval, à Québec. Le 6 avril dernier, les membres de Poly-Monde ont eu la chance d’assister à une conférence de M. Michaud sur le thème des biotechnologies et des vaccins, un sujet de grande actualité en cette période de pandémie.
Les biotechnologies sont perçues de façon très réductrice par la société. Tous et toutes ont déjà entendu parler des OGM, mais que sont-ils réellement? En fait, les biotechnologies font partie de nos vies depuis très longtemps et se manifestent dans beaucoup d’aspects de notre vie quotidienne. Que ce soit en mangeant un bout de fromage ou en buvant une bière, nous profitons chaque jour de procédés biotechnologiques à la source d’une multitude de produits de consommation. M. Michaud a donné plusieurs exemples d’application des biotechnologies, allant de la fabrication de vaccins à la génération au milieu des années 1990 d’un premier animal cloné, la célèbre brebis Dolly. Le concept de biotechnologie, défini par Karoly Ereky en 1919, change au fil du temps avec l’amélioration des technologies. Mais en bref, les biotechnologies peuvent être définies simplement comme « l’ensemble des outils et procédés artisanaux ou technologiques adaptés à la production de biens utiles à partir de matériel vivant ». L’idée centrale du concept repose sur la transformation de matière première d’origine vivante dans une perspective appliquée. Le secteur des biotechnologies, en constante mutation, s’appuie sur des disciplines diverses incluant le génie physique, le génie chimique et le génie des procédés. Les nouvelles biotechnologies s’appuient désormais sur le génie génétique, avec son de questions éthiques, des débats et de controverses…
Saviez-vous que la fermentation de breuvages et d’aliments est pratiquée depuis des millénaires? Pendant des siècles, ces techniques artisanales étaient transmises empiriquement de génération en génération. C’est plus tard, au milieu du 19ème siècle, que la conscience objective des procédés a été mise de l’avant par Louis Pasteur, alors qu’apparaissait la microbiologie et qu’on expliquait enfin le processus de fermentation microbienne. La « magie » des anciens était remplacée peu à peu par le génie des procédés et de nos jours, on utilise les biotechnologies dans l’industrie bioalimentaire, en médecine et même en milieu urbain. Le bioréacteur, une des plus importantes inventions des biotechnologies, est apparu au milieu du 20e siècle. En plus d’assurer un milieu stérile, cette invention permet un contrôle rigoureux des facteurs du milieu comme la température, le pH et le taux d’oxygène, procurant ainsi des conditions propices aux microorganismes pour la synthèse de molécules diverses. Le milieu du 20e siècle était le point de départ aussi d’une « révolution génétique » propice à l’arrivée des biotechnologies moléculaires, catalysée entre autres par la découverte de la structure en double hélice de l’ADN par Jim Watson, Francis Crick, Maurice Wilkins et Rosalind Franklin. Cette période était aussi celle de plusieurs découvertes majeures en biologie moléculaire qui menaient, au tournant des années 1970, à une nouvelle révolution concrétisée par l’apparition du génie génétique. C’est alors qu'apparaissent les premières bactéries et levures modifiées pour la production de protéines thérapeutiques puis, dans le dernier droit du 20ème siècle, ces célèbres plantes transgéniques communément OGM. Des plantes sont désormais modifiées pour résoudre différentes problématiques d’ordre agronomique, environnemental ou industriel. Il est maintenant possible de changer la couleur, d’allonger la durée de vie ou de modifier la composition nutritionnelle de nos aliments. Il est même permis d’entrevoir la résolution de problèmes socioéconomiques complexes liés à notre alimentation, tel qu’illustré par ces variétés de riz enrichies en ß-carotène, développées pour contrer les déficiences en vitamine A dans plusieurs pays du Sud.
Les plantes sont devenues, enfin, des bioréacteurs naturels pour l’expression de composés médicaux d’origines diverses. La ‘moléculture’, qui consiste à utiliser des plantes comme bioréacteurs, permet par exemple la production d’anticorps thérapeutiques et de vaccins utiles pour notre santé et celle de nos animaux. Et c’est justement ce que fait Medicago, une compagnie biotech avec laquelle collabore M. Michaud. Cette compagnie de Québec, déjà réputée à travers le monde, utilise comme bioréacteur Nicotiana benthamiana, une plante sauvage d’Australie, pour la production rapide et efficace de plusieurs protéines d’intérêt médical. Un exemple probant est celui des antigènes viraux qu’ils produisent pour la confection de vaccins antigrippaux… et celui, bien sûr, de leur candidat-vaccin contre la COVID-19, maintenant sous étude par Santé Canada pour usage clinique chez l’humain.
Références