chapitre 03

économie

Vincent Boltz
Antoine Drouin
Aglaya Palgova
Vincent Payette

L’histoire de l’Europe centrale révèle une région ayant connu une histoire complexe marquée par le communisme, ce qui a profondément influencé son économie. Trois des quatre pays étudiés, la Tchéquie, la Slovaquie et la Hongrie, ont appartenu au bloc de l’Est et ont donc transitionné vers une économie de marché dans les années 90 à la suite de la chute du mur. Une ouverture du marché entraîne une hausse des investissements étrangers et aujourd’hui, la région possède de nombreux avantages attirant de multiples entreprises internationales.

Cependant, l’économie de la région est aussi impactée par la guerre en Ukraine, qui dure plus longtemps que prévu, ce qui affecte en particulier les prix de l’énergie. Ce conflit armé et la reprise des activités à la suite de la pandémie de COVID-19 ont fait apparaître une inflation atteignant des sommets partout en Europe et dans le monde, notamment en Hongrie, avec un indice des prix à la consommation (IPC) dépassant les 25 % en février 2023.

Collaborant dans le cadre de plusieurs activités et accords, ces pays d’Europe centrale se font parallèlement concurrence sur des industries prépondérantes, comme l’industrie automobile, rendant l’économie de cette région d’Europe distincte et complexe.

Une économie bouleversée par la transition post-communiste

Texte vincent boltz, aglaya palgova

En 1989, le mur de Berlin tombe, et l’ensemble du bloc soviétique suit dans les mois suivants. Après la chute de l’URSS, les pays du bloc de l’Est, auparavant sous la tutelle du Parti communiste, se retrouvent avec une économie bouleversée et une libéralisation du marché. Les mesures prises durant cette période ont des conséquences directes sur l’économie des pays et les affectent encore aujourd’hui.

LE CONTRÔLE DU PARTI COMMUNISTE

Sous la direction du Parti communiste, l’économie des pays tels que la Hongrie, la Tchéquie ou la Slovaquie était très contrôlée. Durant la période communiste, l’État contrôlait les grandes entreprises telles que les industries, les mines ou encore les chemins de fer, mais aussi les moyennes entreprises. Les petites entreprises, composées de moins de 20 personnes, étaient autorisées, et les fermes étaient taxées sur une proportion de leur production (Harrison, 2017). L’État contrôlait l’économie par des plans quinquennaux, dont l’objectif était notamment d’industrialiser les pays, dans les secteurs de l’agriculture, des biens d’équipement (usines, machines), de l’énergie ou encore des transports (Turnock, 1997).

réforme de privatisation


Une grande part des réformes opérées dans l’optique d’une ouverture de marché concerne la privatisation des entreprises d’État, soit une grande majorité des sociétés, et ce dans tous les pays étudiés. Ces derniers n’ont cependant pas tous agi à la même vitesse et au même moment.


En 1991, en Tchécoslovaquie, la législation prévoit la vente de plus de 100 000 entreprises. Les actions des plus grandes entreprises doivent aussi être vendues à des investisseurs locaux ou étrangers. Les actions étaient aussi vendues aux citoyens du pays, et ce, par la méthode de la privatisation par coupon. Cette dernière consiste en la vente à bas coût de carnets de bons pouvant être convertis en actions dans les entreprises publiques. Cette méthode permet d’éviter une concentration des actions ainsi qu’une privatisation rapide (Hingorani et al., 1997). À la fin de l’année 1991, plus de 3 000 coentreprises sont créées en partenariat avec des sociétés étrangères. 


En 1993, après la séparation de la Tchécoslovaquie, le deuxième cycle de privatisation commence en Tchéquie, ce qui permet à 60 % des entreprises tchèques d’être entre les mains du secteur privé à la fin de l’année. En 1994, le gouvernement annonce que le processus de privatisation prend fin (Crampton, 1997). 


Le processus de privatisation en Slovaquie a au contraire plutôt stagné, et n’a véritablement commencé qu’en 1996, à la suite de nombreuses pressions des ministères de l’Agriculture, de l’Économie et des Infrastructures (Slovak Spectator, 1996). 


Bien que plutôt inefficace à ses débuts vers 1990, le programme de privatisation de la Hongrie fonctionne bien, de sorte que vers la fin, en 1997, 45 % des entreprises d’État sont entièrement privatisées et 17 % le sont partiellement. La plupart de ces privatisations concernent des petites et moyennes entreprises, mais des progrès considérables sont aussi observés dans la privatisation des grandes entreprises dans des secteurs stratégiques tels que l’énergie, les banques ou encore les produits chimiques et pharmaceutiques (Elkan, 1998). 

un pib chamboulé par la transition

Une des variables macroéconomiques les plus impactées par la transition est incontestablement le produit intérieur brut (PIB) des pays concernés. Le taux de croissance du PIB des trois États anciennement sous la tutelle de l’Union soviétique a fortement chuté entre 1990 et 1992, devenant même négatif, alors que celui de l’Autriche reste plutôt stable [figure 3.1]. En règle générale, une baisse du PIB (reflétée dans la production agricole et industrielle) est observée en raison de la réduction de la demande lorsque le commerce international est ouvert et que les importations cessent d’être limitées aux accords de troc de l’État. L’effet du rejet par le libre marché d’une grande partie de l’ancienne production planifiée a entraîné une forte réduction des achats dans les anciens pays du bloc de l’Est (Turnock, 1997). En effet, cette production, qui était pertinente dans les plans quinquennaux, ne l’est plus dans une économie de libre marché.

Figure 3.1 : Taux de croissance du PIB en fonction de l’année en pourcentage

Source : Turnock, 1997 ; Country Economy, 2023

DES POLITIQUES AUGMENTANT INDUBITABLEMENT L’INFLATION 


Vers 1990, les gouvernements constatent que leurs propres dépenses entraînent des conséquences inflationnistes beaucoup plus importantes qu’auparavant. Les pays ayant investi de grosses sommes dans le développement économique sous le régime communiste se retrouvent, en début de transition, soudainement dans des crises financières. De plus, puisque la fin de l’économie planifiée entraîne une croissance du commerce privé ainsi qu’une hausse de l’importation de biens occidentaux, les effets inflationnistes se font ressentir (Turnock, 1997). L’inflation des biens de consommation en Tchéquie et en Slovaquie atteint des sommets en 1991, de 56,6 % et 61,2 % respectivement. La Hongrie est plus stable, malgré une inflation dépassant les 35 % dans la même année [figure 3.2].

Figure 3.2 : Taux d’inflation en fonction de l’année en pourcentage

Source : Turnock, 1997; Données mondiales, 2023

Pour contrer ces hausses, les pays optent pour la réduction des dépenses publiques et un gel des projets en cours. Toutefois, il y a des limites à la vitesse avec laquelle ces dépenses peuvent être réduites tout en maintenant le soutien populaire en faveur des réformes. Durant cette période, il peut être nécessaire pour les gouvernements d’augmenter les dépenses dans les services sociaux ou les dépenses publiques afin de conserver les emplois dans les entreprises publiques. Il peut aussi être nécessaire de limiter le prix des biens de consommation grâce à des boucliers tarifaires. Ces limitations obligent donc les pays à accepter une certaine inflation. 



UN CHÔMAGE TRÈS IMPORTANT 


Dans tous les pays postcommunistes, le contexte macroéconomique général est caractérisé par l’élimination de la demande excédentaire, de fortes réductions de la production de biens militaires et la perturbation complète du système commercial du COMECON. En conséquence, la production industrielle diminue fortement dans toute la région ( Johnson, 1994). De plus, l’ouverture du marché de ces pays implique une concurrence entre les industries locales et les industries internationales, notamment celles du monde occidental, plus récentes et mieux équipées. Les premières ne sont donc plus compétitives, leur capacité d’emploi diminue, il faut licencier. L’augmentation du chômage est donc observée dans la plupart des pays anciennement soviétiques. La Tchéquie se distingue par un taux extrêmement bas, allant de 1 à 4 % au maximum, même en comparaison avec les pays occidentaux [figure 3.3]. Cette particularité peut s’expliquer par plusieurs facteurs, notamment par sa main-d’œuvre hautement qualifiée qui a su s’adapter aux changements d’emplois dus à la transition (Gitter, 1998). 

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Définition

Le COMECON (Conseil d'assistance économique mutuelle) était une organisation économique créée en 1949 pour coor- donner la planification économique et le commerce entre les pays socialistes d'Europe de l'Est, sous la direction de l'Union soviétique. Il favorisait la coopération économique et l'intégration entre les pays du bloc de l'Est. Cependant, avec la fin du communisme, le COMECON a été dissous (Britannica, 2023).

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Malgré des tendances générales communes entre les pays, une disparité s’observe à l’intérieur de ceux-ci : une inadéquation géographique entre les travailleurs et leur emploi voit le jour. La vision socialiste selon laquelle les emplois devraient suivre la main-d’œuvre n’est plus d’actualité dans la réalité du marché libre où la main-d’œuvre devrait suivre les emplois.

Figure 3.3 : Taux de chômage en pourcentage entre 1990 et 1996

Source : Turnock, 1997 ; Statistique Canada, 2018

L’Europe centrale, malgré une histoire économique tumultueuse, ternie de chômage, d’inflation et de chute de PIB, a réussi à se construire une place dans l’Union européenne et à l’international, et se positionne maintenant comme l’une des régions avec la plus forte croissance du continent (Centrope, 2023). 

VB

Les investissements directs étrangers : un levier de croissance économique pour les pays et les entreprises

Texte vincent payette, antoine drouin

Dans un monde où les marchés sont de plus en plus compétitifs, les entreprises cherchent à étendre leur portée en investissant dans des pays étrangers. Ainsi, les investissements directs étrangers (IDE) sont désormais devenus un élément essentiel de la stratégie de croissance des entreprises multinationales. La capacité d’un pays à attirer les IDE dépend de plusieurs facteurs et de différentes stratégies, et apporte des avantages et inconvénients autant pour le pays d’accueil que pour les firmes multinationales. Dans cet article, les investissements du Québec et du Canada seront comparés avec ceux des pays à l’étude. 

PERFORMANCE ANTÉRIEURE DES IDE POUR LE CANADA ET L’EUROPe

À la fin de la Guerre froide, les pays de l’Europe centrale et occidentale (PECO) se sont engagés dans un vaste processus de réformes structurelles impliquant une ouverture et une transition vers l’économie de marché. Ces changements ont entraîné une augmentation des IDE en direction de l’Europe, mais également de l’Europe centrale pour certains secteurs. Avec ces flux qui ont été au cœur de la transition vers l’économie de marché, plusieurs industries et compagnies ont pu se développer à l’étranger. Ce phénomène est visible sur le diagramme à bandes de la [figure 3.4] représentant l’évolution des flux d’IDE au fil du temps pour le Canada et l’Europe. Ces données recueillies à partir du site de Statistique Canada (2022) illustrent une forte croissance des IDE à la suite des années 1990.

Figure 3.4 : Comparaison des IDE entre le Canada et l’Europe en millions CAD

Source : Statistique Canada, 2022

Il est possible d’observer sur cette même figure qu’en 2020, les IDE européens vers le Canada ont faiblement diminué et les IDE canadiens envers l’Europe ont été remarquablement résilients pour l’année 2020 et 2021. Malgré le fait que ces flux nominaux ne présentent pas une différence aussi marquée par rapport aux fluctuations antérieures, ces IDE ont augmenté de 1 % entre 2020 et 2021, alors qu'une hausse de 6 % avait été observée de 2019 à 2020. Assurément, les nombreuses vagues durant la pandémie ont touché le Canada, et les investissements étrangers ont subi des répercussions à moyenne échelle.


C’est lorsque l’économie mondiale reprend peu à peu sa lancée à la suite de la pandémie qu’un conflit armé en Ukraine intervient et aura d’importantes conséquences sur les IDE à l’échelle mondiale (OCDE, 2022). En effet, ce drame a provoqué non seulement une crise alimentaire, énergétique et financière, mais également une hausse des prix de l’énergie et une pénurie des matières premières. Des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement et dans les relations industrielles ont pu être ressenties par plusieurs entreprises. 

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Visite industrielle

La visite chez Škoda Auto, située à Mladá Boleslav, non loin de Prague, a permis de prendre conscience de l’impact que le conflit armé en Ukraine a eu sur ce constructeur automobile tchèque. Effectivement, Škoda a suspendu la production dans ses deux usines russes et est sur le point de conclure un accord de vente de ses actifs en Russie.

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COMPRENDRE LES MOTIVATIONS DES ENTREPRISES À INVESTIR À L’ÉTRANGER


L’internationalisation est devenue une réalité incontournable pour les entreprises du monde entier. Peu importe la taille de l’entreprise, investir à l’étranger offre plusieurs avantages, mais implique également certains risques et coûts. De façon générale, les entreprises cherchent à investir à l’étranger pour accéder à de nouveaux marchés. Cet objectif peut être atteint en établissant des filiales ou des succursales dans des pays étrangers leur permettant ainsi de développer leurs échanges commerciaux et d’augmenter leurs exportations. De plus, investir à l’étranger ou simplement s’installer dans une nouvelle région permettra de bénéficier de l’environnement du pays d’accueil, c’est-à-dire profiter de la main-d’œuvre, des technologies et des ressources.

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Le saviez-vous

En 2017, F. LIST, un fabricant autrichien d’intérieurs haut de gamme pour jets privés, a ouvert sa toute première usine de production à l’extérieur de l’Autriche, soit dans le Grand Montréal. Avec cette filiale, F. LIST a pu réduire ses coûts, ses délais de livraison avec son fournisseur Bombardier, et mieux servir ses clients nord-américains. De plus, des centaines d’emplois ont pu être créés dans le domaine aéronautique (Montréal International, 2017).

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La [figure 3.5] fait référence aux étapes clés de la théorie économique de la production internationale (Ownership, Location, Internalization) développée par John Dunning. Ce modèle explique qu’une entreprise choisira d’investir à l’étranger si elle a un avantage en ce qui a trait à la propriété, à la localisation et au potentiel d’internalisation. Ces étapes sont grandement utilisées par les entreprises pour identifier la pertinence d’un investissement et d’une production à l’étranger. 

Figure 3.5 : Modèle OLI de John Dunning

Source : Statistique Canada, 2021

Les avantages que les IDE procurent varient d’un pays à l’autre, mais font partie intégrante d’un système économique international et représentent l’un des principaux catalyseurs du développement d’une région. Les pays d’accueil ont le pouvoir d’imposer des conditions favorables à l’investissement, ce qui, avec l’aide des IDE, peut entraîner la création de nouveaux emplois, affecter positivement le tourisme et forcer l’innovation et le développement de nouvelles infrastructures. 

INVESTIR À L’ÉTRANGER, UN CHOIX STRATÉGIQUE ET JUDICIEUX SELON LA DESTINATION


Le Canada investit des milliards de dollars annuellement à l’étranger et reçoit un montant similaire provenant d’autres pays ; l’Europe centrale ne fait pas exception. Le Canada se positionne au premier rang des pays investisseurs pour la Hongrie en 2019, représentant 16 % des IDE entrés dans le pays cette année-là avec environ 1 G CAD. Comme la [figure 3.6] l’illustre, la majorité des IDE en Hongrie sont orientés vers des secteurs d’importance pour le Canada, tels que les services financiers et l’industrie manufacturière. Tout comme la Hongrie offre une porte d’entrée vers l’Europe centrale, le Canada lui permet d’avoir une exposition sur le marché nord-américain. 

Figure 3.6 : Répartition des IDE entrants en Hongrie en 2019 en pourcentage

Source : BNP Paribas, 2023

L’Autriche est également un partenaire clé pour le Canada, puisque ces deux pays se distinguent dans des secteurs tels que les services de télécommunication et l’aérospatiale. Avec les nombreuses mesures incitatives mises en place par le gouvernement autrichien, le Canada peut facilement investir dans les institutions autrichiennes pour bénéficier de la main-d’œuvre qualifiée, de la stabilité politique et surtout des faibles coûts des télécommunications.


Le Canada et la Tchéquie détiennent des relations de longue date particulièrement axées sur les projets sociopolitiques ; les investissements directs canadiens dans ce pays se chiffrent à 114 millions CAD en 2020. Inversement, les investissements directs de la Tchéquie au Canada sont restés constants à 43 millions CAD. De plus, plusieurs emplois ont pu être créés avec ces relations. En 2019, les entreprises multinationales canadiennes ont employé plus de 7482 personnes dans leurs sociétés affiliées en Tchéquie et 251 personnes ont trouvé un emploi dans des sociétés tchèques installées au Canada (Gouvernement du Canada, 20 mai 2020).


Les relations entre ces différents pays sont très diversifiées et complexes, mais ont comme point commun d’être bénéfiques pour les deux parties prenantes. En soi, le Canada est très attrayant pour l’investissement, ayant été nommé « [...] meilleur pays du G20 pour faire des affaires au cours des cinq prochaines années pour 2022 à 2026 » (Economist Intelligence Unit, mars 2022). 

STRATÉGIES ADOPTÉES POUR IDENTIFIER LES SECTEURS PERTINENTS


Investir à l’étranger peut tout de même entraîner quelques défis et coûts, notamment ceux reliés à la mise en place d’une entreprise à l’étranger, à la culture et aux différentes réglementations environnementales, politiques et fiscales. Avant d’investir à l’étranger, il est primordial d’analyser la rentabilité d’un investissement potentiel.


Plusieurs facteurs peuvent influencer un Plusieurs facteurs peuvent influencer un pays à effectuer des investissements directs étrangers. D’abord, un pays avec une stabilité économique permet d’assurer la pérennité des investissements et de minimiser les risques. Ensuite, une entreprise aura intérêt à investir dans un pays où il y a une stabilité politique, ce qui lui garantira un environnement réglementaire stable. Historiquement, l’effondrement des régimes communistes et la transition vers des économies de marché n’ont pas été vécus de la même façon pour les trois pays du bloc de l’Est. En effet, la Hongrie s’en est beaucoup moins bien sortie que la Tchéquie et la Slovaquie, car elle a été confrontée à une dette publique très élevée, limitant ainsi sa capacité à investir dans des secteurs clés. En plus d’avoir subi des perturbations économiques plus significatives que les autres pays, les politiques économiques hongroises ont été moins favorables aux entreprises étrangères en raison des réglementations plus strictes et des taxes plus élevées. En revanche, la Tchéquie et la Slovaquie ont pu adopter des stratégies plus performantes dès les premières années suivant la transition économique, leur permettant d’attirer des firmes multinationales à investir davantage chez eux. D’autres indicateurs peuvent être comparés en se référant au [tableau 3.1]. Selon ces données datant de 2021, puisque la Hongrie a désormais le taux de croissance du PIB le plus élevé parmi les quatre pays (7,1 %), il pourrait s’agir d’un environnement favorable pour le Canada en matière d’investissement, car ceci indiquerait que le marché est en expansion. Cependant, son taux d’inflation élevé pourrait faire augmenter les coûts de production et affecter la rentabilité d’un investissement. Finalement, la Tchéquie se trouve à avoir un PIB par habitant relativement plus élevé que la Slovaquie et la Hongrie, et un taux de chômage plus faible que les autres régions. Ceci peut indiquer un marché potentiellement plus riche pour les produits et services canadiens et une main-d’œuvre qualifiée disponible à un coût compétitif. Il s’agit ainsi d’analyser plusieurs facteurs selon différents points de vue avant d’effectuer un investissement à l’étranger.

Tableau 3.1 : Analyse de quelques indicateurs économiques pouvant influencer les IDE pour 2021

Source : FMI, 2021

VB

Guerre et portefeuille : Comment l'invasion de l'Ukraine affecte les prix et les produits de base 

Texte aglaya palgova, antoine drouin

Depuis février 2022, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a entraîné des répercussions économiques mondiales considérables dont la durée et l’ampleur sont incertaines. Cette crise, qui intervient après la pandémie de COVID-19, a entravé la reprise économique mondiale et a eu plusieurs impacts, notamment une augmentation des prix alimentaires et de l’énergie (Cairn, 2022). Les sanctions économiques imposées en réponse à l’invasion ont également perturbé les relations commerciales avec la Russie, entraînant des conséquences économiques importantes pour la plupart des économies de l’OCDE, en particulier au Canada et dans les pays d’Europe centrale à l’étude. 


LE MONDE TURBULENT DES PRODUITS DE BASE 


Les marchés de matières premières ont été déstabilisés par la guerre surtout en ce qui a trait à la production et au commerce de plusieurs produits de base, en particulier ceux dont la Russie et l’Ukraine sont les principaux exportateurs. Les chocs sur les produits de base, notamment sur l’énergie, les engrais, les céréales et les métaux, ont tous contribué à une inflation élevée, à une augmentation des taux d’intérêt et au resserrement du financement mondial (Banque Mondiale, 2022). 


Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine en février 2022, les prix du charbon ont augmenté de 60 %, ceux du gaz naturel européen de plus de 30 % et ceux du blé d’environ 40 %. L’augmentation des coûts de l’énergie a aussi engendré une hausse du prix des autres produits de base à forte intensité énergétique, tels que les engrais et l’aluminium (Guénette, J-D. et al, 2022). Cependant, comme observé à la [figure 3.7], les différents produits de base ont connu des tendances divergentes en raison des différences entre l’offre disponible sur le marché et leur réaction au ralentissement de la demande (Guénette, J-D. et al, 2022). 

Figure 3.7 : Fluctuation des prix des produits de base (janv. 2020 = 100)

Source : Groupe de la banque mondiale, 2022

LA VULNÉRABILITÉ ÉNERGÉTIQUE


La dépendance historique de l’Europe à l’égard des énergies russes a créé un grave problème d’approvisionnement à la suite de l’invasion de l’Ukraine par ce pays, rendant ainsi l’économie de l’Europe vulnérable (World Economic Forum, 2022). La zone euro, incluant l’Autriche et la Slovaquie, est confrontée à une augmentation de 400 % des prix du gaz et à un doublement des prix du pétrole depuis janvier 2021 (Guénette, J-D. et al, 2022). Les quatre pays analysés demeurent particulièrement vulnérables en cas de rupture des approvisionnements de l’énergie importée de Russie.


Comme démontré dans cet article, en 2019 et aujourd’hui encore, la Hongrie et la Slovaquie sont des pays d’Europe qui sont très dépendants des importations d’énergie russe. À titre d’exemple, la Hongrie est devenue plus dépendante des importations d’énergie en raison de l’augmentation de la demande de combustibles fossiles. En 1975, le pays importait seulement 13,5 % de son énergie, contre 42,5 % en 1980. L’influence de l’URSS sur la consommation de gaz en Hongrie est significative, car elle englobe non seulement les volumes de gaz, mais aussi les itinéraires des gazoducs (Malik, M., 2019). Bien que le pays ait diversifié son approvisionnement en pétrole, il demeure fortement dépendant des importations de gaz et de pétrole russes, étant donné que la production nationale est faible. En 2020, la dépendance de la Hongrie vis-à-vis des importations atteint 87 % (International Energy Agency, 2022). En 2022, à la suite de l’invasion russe en Ukraine et de la crise énergétique, la Hongrie a déclaré un état d’urgence énergétique (CDE, 2022). 

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le saviez-vous

Le Canada n’a pas importé de pétrole brut de la Russie en 2020 ni en 2021. Au cours de la dernière décennie, les importations de pétrole brut en provenance de la Russie ont été relativement faibles, représentant 3 % en moyenne des importations totales de pétrole brut du Canada (Régie de l’énergie du Canada, 2022).

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Néanmoins, la crise énergétique mondiale pousse des pays comme le Canada à augmenter leur production de pétrole et de gaz pour compenser la chute de l’offre en Europe causée par le conflit (Martin-Richon, M., 2022). L’économie canadienne devrait aussi tirer profit de la forte demande pour les matières premières découlant des sanctions imposées à la Russie (Desjardins, 2022). 

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le saviez-vous

En 2020, la Russie, l’Iran et le Qatar possédaient la moitié des réserves mondiales de gaz naturel, soit 203727 milliards de mètres cubes. À noter que les dix plus grandes réserves mondiales représentent plus de 80 % de l’ensemble des réserves mondiales (Aljazeera, 2022).

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En raison de l’augmentation des prix des énergies et de la dépendance énergétique de nombreux pays, la fluctuation des prix du gaz naturel est un autre enjeu majeur. La [figure 3.8] illustre une forte fluctuation des prix du gaz naturel en Europe depuis la pandémie et l’invasion de l’Ukraine, tandis que les fluctuations des prix du gaz naturel au Canada sont moins significatives. Cela peut être attribué au fait que le marché du gaz naturel est plus restreint géographiquement à cause des limitations des routes de transport du gaz naturel de l’Europe vers le Canada.

Figure 3.8 : Prix du gaz naturel au Canada et Europe en CAD/GJ

Source : IEA, 2022

La Tchéquie et la Slovaquie importent respective- ment 87 % et 85 % de leur approvisionnement en gaz de la Russie. Toutefois, la Tchéquie est en fait mieux protégée contre les coupures de gaz, béné- ficie de sources d’énergie plus flexibles et possède un plus grand potentiel de production nationale d’énergie ( Jamestown, 2022).


Cependant, comme les marchés du pétrole et du gaz sont interdépendants au niveau international, les hausses de prix affectent également les régions qui ne s’approvisionnent pas en combustibles fossiles en Russie.


EFFET DOMINO SUR LES PRIX D’ÉLECTRICITÉ 

En 2021, le pétrole représentait 25 % de la production d’électricité de l’UE, le charbon 14 % et le gaz naturel 20 % (Conte, N., 2023). Ainsi, la hausse des prix des énergies fossiles a mené à la hausse des coûts d’électricité en Europe. Cette hausse se reflète dans les prix pour les consommateurs domestiques entre 2021 et 2022, tel qu’illustré dans la [figure 3.9]. Dans l’Union européenne, les prix de l’électricité ont subi une augmentation de 44 % en une année. Au Canada, une diminution de 11 % a été observée entre 2021 et 2022.

Figure 3.9 : Prix de l'électricité pour les consommateurs domestiques (CAD/Kilowattheure)

Source : Eurostat, 2022  ; Urban, R. 2021 ; Global Petrol Prices, 2023

FRAPPER LÀ OÙ ÇA FAIT MAL 

Le Canada, l’Union européenne et d’autres pays ont imposé un large éventail de sanctions économiques à l’encontre de la Russie, qui comportent des interdictions d’exportation, des restrictions à l’importation et des sanctions commerciales (Aljazeera, 2022b).


Les politiques visant à réduire les importations en provenance de Russie englobent un éventail de plus en plus large de droits de douane et de restrictions à l’importation, y compris des plans visant à réduire les achats d’énergie à la Russie (Guénette, J-D. et al, 2022). Le Canada, quant à lui, a interdit toutes les importations de pétrole russe, bien que celles-ci ne représentent qu’une petite partie des importations énergétiques canadiennes (Ministère des Finances du Canada, 2023). L’UE envisage activement de nouvelles sanctions sur les importations de pétrole russe, en plus d’une réduction des importations de gaz russe à l’échelle de l’UE et d’une augmentation des droits de douane sur les importations de plusieurs biens russes (Guénette, J-D. et al, 2022).

TRACER UNE VOIE À TRAVERS LES DÉFIS DE L'ÉCONOMIE DE DEMAIN

Les réseaux mondiaux de commerce, de production et d’investissement risquent de se fragmenter. Les pénuries et les hausses de prix des matières premières touchées pourraient gravement perturber toute une série de secteurs, notamment l’alimentation, la construction et les transports. De plus, les prix élevés des produits de base et la guerre sont susceptibles d’exacerber la dette et d’autres problèmes budgétaires, en particulier dans les pays importateurs de produits de base. Les pressions en faveur de subventions à l’alimentation et à l’énergie, de mesures de protection commerciale et de contrôle des prix pourraient s’intensifier, de même qu’une nette accélération observée de l’adoption, par les gouvernements, de mesures de restriction commerciale sur les produits alimentaires et les engrais (Guénette, J-D. et al, 2022). La guerre peut contribuer à un affaiblissement prononcé des moteurs de la croissance économique et aggraver les dommages durables de la pandémie (CNUCED, 2022).


Des réponses mondiales, régionales et surtout nationales sont nécessaires. Les nombreuses conséquences du conflit, telles que les perturbations des marchés des produits de base et la volatilité accrue des marchés financiers, nécessitent un ensemble complet de priorités politiques nationales. Celles-ci doivent également comprendre la gestion des conséquences de la guerre et la préparation à l’éventualité d’une fragmentation des réseaux mondiaux de commerce, d’énergie et d’investissement (Guénette, J-D. et al, 2022).

D’autre part, les politiques structurelles doivent être renforcées, notamment la sécurité énergétique, la sécurité alimentaire, la productivité, le commerce et le potentiel de croissance à long terme (Guénette, J-D. et al, 2022). 

VB

La tempête inflationniste

Texte antoie drouin, vincent boltz

Malgré les nombreux avantages de la mondialisation, une crise comme celle de la COVID-19 ou de la guerre en Ukraine peuvent avoir des impacts majeurs sur les marchés financiers à l’échelle planétaire. Le Canada ainsi que les quatre pays à l’étude en Europe centrale vivent présentement une forte période inflationniste largement causée par le déséquilibre économique mondial résultant de ces deux événements majeurs. Les statistiques montrent que la hausse de l’inflation actuelle constituerait un sommet n’ayant jamais été atteint depuis 40 ans (Statistique Canada, 2023a). La présente situation marque donc un moment historique pour l’économie canadienne et européenne.

POURQUOI L’INFLATION ACTUELLE ?

Plusieurs causes peuvent être avancées pour expliquer l’inflation actuelle, qui touche le monde entier.

Fermeture de commerces et restaurants, confinement et couvre-feux, masques obligatoires dans les établissements ; la période pandémique a indéniablement causé un fort ralentissement dans l’industrie des services à l’échelle mondiale. Or, bien que cette diminution de la demande en services ait été prévisible, rien n’a pu empêcher la demande en biens usuels d’augmenter. Cette dernière, combinée à une diminution de l’offre engendrée par un bouleversement des chaînes d’approvisionnement, a fait lentement gravir les prix à la consommation (Radio-Canada, 2023). 

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Le saviez-vous ?

En 2020, au moment où les mesures de confinement étaient les plus sévères, les Québécois ont dépensé en moyenne 4000 $ de moins qu’à l’habitude. Les services à forte proximité physique comme l’hébergement ou les transports et loisirs ont connu la plus grande réduction (Banque du Canada, 2021).

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Durant les périodes pré et per pandémique, les taux d’intérêt se trouvent à des niveaux historiquement bas (Statistique Canada, 2022). Un taux d’intérêt faible ne peut qu’avoir un effet catalyseur pour une éventuelle période de forte consommation. La [figure 3.10] présente cette variation du taux d’intérêt à long terme pour les quatre pays à l’étude de l’Europe centrale ainsi que le Canada. Une nette distinction apparaît entre les taux d’intérêt pré, per et postpandémiques, ce qui représente bien l’instabilité économique vécue pendant cette période.

Figure 3.10 : Variation annuelle du taux d'inflation en pourcentage dans les quatre pays d'Europe centrale et au Canada, depuis 2007

Source : OCDE, 2023a

La forte hausse des taux d’intérêt visible pour l’année 2022 peut être attribuable à deux facteurs principaux, soit l’endettement des gouvernements par des investissements massifs dans des mesures pour contrer le ralentissement économique causé par la pandémie de COVID-19 ainsi que l’augmentation de la consommation vécue en fin 2021. Une question s’impose ; aurait-il fallu augmenter plus graduellement les dépenses publiques de l’État pour faire face à la pandémie et pour éviter de devoir augmenter drastiquement les taux d’intérêt ? 


L’indice des prix à la consommation ou IPC se démarque comme étant l’un des indicateurs principaux quand il est question d’évaluer une situation inflationniste. Bien évidemment, la forte hausse de la consommation vécue lors de la période postpandémique, mêlée à une diminution globale de l’offre sur les marchés, a fait bondir cet indicateur. La [figure 3.11] montre une certaine stabilité pour ce qui est de l’IPC au courant de l’année 2020 et une augmentation marquée à partir de la fin de l’année 2021, moment de forte reprise économique tant au Canada que dans les quatre autres pays à l’étude. La situation actuelle se caractérise donc par une forte hausse des prix à la consommation tant pour des biens usuels comme les aliments à l’épicerie que pour les prix de l’énergie ou de l’essence à la pompe. 

Figure 3.11 : Variation mensuelle du taux d'inflation en pourcentage dans les quatre pays d'Europe centrale et au Canada, depuis janvier 2020

Source : OCDE, 2023a

PORTRAIT DE L’INFLATION ACTUELLE EN EUROPE CENTRALE ET AU CANADA ?

Les données en date de février 2023 concernant le taux de croissance annuel de l’IPC sont présentées dans le [tableau 3.2].

La Hongrie se hisse donc au premier rang, tant des pays à l’étude, comme présenté dans le [tableau 3.2], que de l’Union européenne. En plus des événements mondiaux, tels que la reprise postpandémique ou la guerre en Ukraine, la non- efficacité des mesures prises par le gouvernement place la Hongrie dans une situation particulière (IMF, 2023).

Tableau 3.2 : Taux de croissance annuel de l’IPC

Source : OCDE, 2023b

Bien que l’Autriche et le Canada aient subi une situation similaire au début de la crise inflationniste, un écart se marque actuellement entre ces deux pays à l’étude en ce qui a trait aux indicateurs d’inflation. En effet, en 2021, le taux de croissance de l’IPC pour l’Autriche était de 2,8 % et celui du Canada, un peu plus élevé, se chiffrait à une valeur de 3,4 %. L’année 2022 semble donc avoir été le moment décisif qui a creusé cet écart entre les deux pays, année marquant d’ailleurs le début officiel de l’invasion des troupes russes en Ukraine. 

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Le saviez-vous ?

Théorie énoncée par l’économiste M. K.G Cassel au début du 20e siècle qui stipule que, « sous l’effet de forces du marché mues par arbitrage, le taux de change s’ajuste jusqu’à égaliser les prix des paniers nationaux de biens et de services de deux pays » (Banque du Canada, 2002)

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Étant donné leur situation géographique et leur dépendance sur plusieurs fronts commerciaux avec la Russie, les pays européens ont subi de grands bouleversements pendant cette même année.


Les deux autres pays à l’étude, la Tchéquie et la Slovaquie, se taillent tout de même une place dans les huit pays de l’Union européenne avec la plus grande inflation.

IMPACTS SUR LE TAUX DE CHANGE DES MONNAIES EN EUROPE CENTRALE ET AU CANADA


Les taux de change varient en symbiose avec l’inflation. En effet, une économie dans laquelle il y a présence d’une intensification de l’inflation verra sa monnaie se dévaluer selon la théorie de parité des pouvoirs d’achat.


Conjointement avec la hausse de l’inflation, une certaine dépréciation des monnaies s’est fait ressentir dans chacun des pays à l’étude lors de l’année 2022, ce qui est bien présenté sur la [figure 3.12] suivante. La figure présente la variation du taux de change par rapport à l’année précédente avec pour base monétaire de comparaison le USD. 

Figure 3.12 : Variation du taux de change par rapport à USD, par rapport à l’année précédente

Source : OCDE, 2022b

COMPARAISON DES POLITIQUES ANTI-INFLATIONNISTES ACTUELLEMENT MISES EN PLACE


Comme mentionné précédemment, la situation inflationniste actuelle vécue en Hongrie est alimentée par le manque d’efficacité et de rapidité d’implantation de politiques anti-inflationnistes. Tout d’abord, le gouvernement hongrois n’a attendu qu’à la deuxième moitié de l’année 2022 avant de faire ressentir aux consommateurs les variations du prix de l’énergie causées par l’inflation et la guerre en Ukraine. En effet, le pays a conservé jusqu’en août 2022 des tarifs énergétiques parmi les plus bas en Europe, de l’ordre d’environ 20 euros/MWh, ce qui, comparé à la France par exemple avec ses 60 euros/MWh pour la même période, montre une grande disparité (IMF, 2023). Il s’en est suivi une augmentation drastique et tardive des prix de l’énergie, ce qui a inévitablement fait exploser les coûts de production au pays. De surcroît, les politiques macroéconomiques générales hongroises étaient des plus expansionnistes en raison de l’arrivée de la pandémie en 2020. Le problème se dessine lorsque ces politiques n’ont pas été resserrées au début de l’année 2022 alors que le taux d’inflation ainsi que le taux de chômage devenaient parmi les plus élevés de la région.

En revanche, le Canada, qui a tardé à ressentir les impacts de l’inflation, a tout de même adopté des démarches anti-inflationnistes dès le premier trimestre de l’année 2022 en quadruplant par exemple le taux directeur en l’espace de trois mois (Banque du Canada, 2023). Certains pays comme le Canada ou l’Autriche proposent même maintenant des ajustements aux taux d’imposition et aux taxes à la consommation dans le but de réduire les impacts de l’inflation sur les consommateurs.


JUSQU' OÙ CETTE CRISE IRA-T-ELLE ?

L’enjeu actuel dans certains pays n’est pas seulement de faire diminuer l’inflation, mais bien de la faire diminuer sans tomber en récession. Par définition, un pays est en situation de récession dite technique quand son PIB réel diminue pendant au moins deux trimestres consécutifs (L’Encyclopédie canadienne, 2017). Dans le cas des quatre pays à l’étude ainsi que du Canada, au cours des deux derniers trimestres de l’année 2022, deux d’entre eux réunissent techniquement ces conditions, soit la Tchéquie et la Hongrie (OCDE, 2022). Un grand défi s’impose donc à ces pays pour tenter de redresser leur économie. 


Étant donné la nature incertaine de la crise actuelle en Ukraine, il est impossible de prédire avec certitude la situation économique dans laquelle chacun des pays à l’étude se situera dans une ou deux années. Cependant, certains pays se démarquent par des prévisions économiques plus favorables comme présentées à la [figure 3.13]. Le futur économique des pays à l’étude et leur capacité à se sortir de la crise inflationniste actuelle dépendront largement de l’efficacité des mesures anti-inflationnistes et d’une certaine diminution générale de la consommation. 

Figure 3.13 : Inflation prévisionnelle des cinq pays à l’étude pour l’année 2024

Source : OCDE, 2023

VB

Entre collaboration et compétition

Texte antoie drouin, AGLAYA PALGOVA, vincent boltz

En raison de leur proximité géographique et de leurs caractéristiques culturelles similaires, les quatre pays à l’étude présentent une histoire riche marquée tant par la collaboration que la compétition. Cette dynamique se traduit par un environnement économique complexe dans lequel ces pays se distinguent les uns des autres dans divers secteurs industriels, que ce soit par la compétition ou la coopération.

PORTRAIT ÉCONOMIQUE DES PAYS À L’ÉTUDE 

Bien que l’Autriche, la Hongrie, la Tchéquie et la Slovaquie partagent des similarités en ce qui a trait aux marchés les plus influents à l’interne, certaines divergences se présentent tout de même.

L’Autriche trône au sommet des quatre pays à l’étude en Europe centrale en ce qui concerne le PIB, se classant au 29e rang mondial, en plus de se situer au 9e rang mondial en matière de complexité économique, ce qui laisse présager une certaine diversité de marché supérieure à celle des autres pays. Le pays se spécialise dans plusieurs secteurs niches du domaine médical, notamment la production de vaccins, antisérums et toxines, ainsi que la production de médicaments emballés dans laquelle il se démarque en tant que 17e plus grand exportateur mondial (OCE, 2021). Selon la [figure 3.14], le Canada est également un importateur clé de produits autrichiens, y compris de produits pharmaceutiques, représentant 12,2 % de la valeur totale de ses importations en provenance de l’Autriche. De plus, l’Autriche exporte également beaucoup de voitures et de pièces automobiles au Canada.

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Le saviez-vous ?

Le site de l’Observatory of Economic Complexity aussi connu sous le nom de OEC regroupe plusieurs données du commerce international. Cependant, dans les 4 pays à l’étude, une donnée qui sort du lot est l’index de complexité économique de chacun de ces pays. Cet index mesure la diversité et la sophistication de la structure économique d’un pays. La Tchéquie, l’Autriche, la Hongrie et la Slovaquie occupaient respectivement le 7e, 9e, 19e et 20e rang mondial en matière d’index de complexité en 2021 (OCE,2021).

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L’Europe centrale est reconnue internationalement pour son secteur de fabrication automobile effervescent grâce à plusieurs grandes entreprises du secteur qui s’y sont installées, comme Mercedes-Benz, Audi et Volkswagen. En effet, plus de 100 milliards USD en composantes et véhicules automobiles ont été exportés en 2021 par les quatre pays, dont les plus grands contributeurs sont la Slovaquie, avec un total de près de 35 milliards USD, et la Tchéquie, avec environ 37 milliards USD (OCE, 2021). Le secteur ne se limite pas seulement à la fabrication automobile, mais englobe aussi la fabrication de composantes et d’accessoires pour véhicules, qui représente une grande portion des exportations de ces deux derniers pays. Même si l’industrie automobile est aussi une composante majeure de ses exportations, la Hongrie a développé une certaine expertise en matière de production de batteries électriques. En effet, malgré son PIB ne pouvant pas compétitionner avec les grandes puissances mondiales, le pays occupe tout de même le 6e rang mondial en matière d’exportation de batteries électriques, avec près de 4,2 milliards USD en 2021 (OCE, 2021). Ce marché du futur représente donc une opportunité de spécialisation pour le pays.

Figure 3.14 : Importations canadiennes provenant d’Autriche ayant la plus forte valeur par catégorie de produit en milliards de CAD

Source : Bibliothèque du Parlement, 2018

COMPÉTITION 

De 1990 à 2008, les économies des PECO ont connu une croissance record et ont progressé considérablement. Ces pays ont privatisé les industries d’État et attiré des investissements directs étrangers pour augmenter leur productivité et leur revenu par habitant, comme présenté dans le second article (McKinsey, 2013).


En Europe centrale et orientale, comme en Autriche, en Slovaquie, en Tchéquie et en Hongrie, les secteurs économiques concurrentiels sont notamment les productions industrielles, comme l’automobile. Cette industrie est cruciale pour les économies de nombreux pays de la région (Lomond, 2022). Comme vu à la [figure 3.15], sur les huit pays de l’UE où les emplois directs dans la construction automobile représentent plus de 1 % de l’emploi total, six se trouvent dans les PECO incluant la Tchéquie, la Slovaquie et la Hongrie. L’Autriche figure juste en bas de 1 %.

Figure 3.15 : Emplois directs dans la construction automobile en % de l'emploi total

Source : Lomond, 2022

En Europe centrale, l’industrie automobile contribue beaucoup au commerce international. La Slovaquie se démarque avec un volume d’exportation représentant près de la moitié du commerce de véhicules avec les pays non membres de l’UE et possède environ 48 % de part de marché du commerce d’automobiles dans l’UE (Lomond, 2022). La Slovaquie et la Tchéquie figurent parmi les 15 pays qui ont exporté le plus de voitures en 2021, avec respectivement 26,8 milliards (3,8 %) et 23,4 milliards USD (3,3 %) d’exportations. De plus, les pays qui génèrent les plus gros excédents du commerce mondial de voitures incluent la Slovaquie, la Tchéquie et la Hongrie avec un excédent de 10 %, 10,3 % et 6,6 % respectivement (Workman, D., 2022).


La croissance économique des PECO est liée à l’ouverture commerciale, favorisée par la compétitivité de leurs secteurs économiques, comme l’industrie automobile, un secteur crucial de l’économie des PECO dans lequel ils participent en tant que compétiteurs et contributeurs (Pilinkiene, V., 2016).


En outre, le Canada et l’Union européenne ont tous deux proposé des plans ambitieux pour encourager une croissance économique durable et inclusive. Le marché vert européen vise à transformer l’UE en une économie moderne, efficace dans l’utilisation des ressources et compétitive, en atteignant la neutralité carbone d’ici 2050. Le Canada a également mis en place diverses initiatives pour promouvoir une croissance économique durable, y compris une tarification du carbone pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (CGAI, 2020).

UNE COLLABORATION ÉCONOMIQUE SIGNIFICATIVE

Malgré une compétition non négligeable sur plusieurs secteurs économiques comme le secteur automobile, les quatre pays à l’étude collaborent fortement sur d’autres plans par leur appartenance à la région du Centrope. La collaboration se concentre sur les infrastructures, l’éducation, la culture et la mobilité, par le biais de projets communs, chaque partenaire finançant ses propres activités (CentropeMap, 2023).


La coopération se réalise dans le cadre de nombreux projets communs de développement (Stadt Wien, 2023). Il est possible de citer EdTwin, une initiative éducative financée par l’UE et lancée par le bureau européen du conseil scolaire de la ville de Vienne, ayant pour objectif de préparer les élèves et les enseignants à la vie et au travail dans cette région (EdTWIN, 2023). La liaison pour la mobilité transfrontalière et la question des transports et des infrastructures sont des enjeux au cœur de la collaboration entre les pays. Le projet INAT (Outil d’évaluation des besoins en infrastructures) est un programme destiné à élaborer les besoins en mobilité dans la région (Centrope agency, 2012). Il a notamment mené à un accord sur le cadre stratégique du transport entre les quatre pays. Un autre projet exemplaire de cette collaboration est celui des TwinEntrepreneurs, une initiative visant à renforcer la capacité des entreprises en démarrage des régions de Vienne et de Bratislava. Il s’agit d’une coopération transfrontalière de l’Agence des affaires de Vienne, en collaboration avec l’Agence nationale pour le développement des petites et moyennes entreprises (NADSME) et l’Association des jeunes entrepreneurs de Slovaquie (ZMPS). Le projet propose de l’accompagnement, du soutien provenant d’experts ou encore du réseautage à Vienne et à Bratislava permettant un échange de savoir-faire et d’expertise (TwinEntrepreneurs, 2023). Une coopération sur le tourisme existe aussi, comme le CTMT (Outils de marketing culturel et touristique) qui permet d’obtenir des informations en temps réel sur tous les sites touristiques de la région (Tourcentrope, 2023).

VB

Synthèse

L'ouverture des marchés après la chute du Bloc a été différenciée selon les choix des gouvernements et les politiques de privatisation. Cette transition a fortement affecté les économies des pays à l’étude, entraînant une baisse de la croissance du PIB, une inflation et un taux de chômage élevé en raison de la perte de compétitivité des anciennes industries socialistes. Cette transition vers l’économie de marché a également ouvert la porte aux IDE. Il s'ensuit que chaque pays présenté précédemment partage des similitudes au niveau géographique, économique, politique, mais se démarque l’un par rapport à l’autre d’une certaine façon. De profondes analyses doivent être faites pour justifier un investissement à l’étranger, car il existe une multitude de facteurs à considérer qui dépendent des stratégies d’investissement et des priorités du Canada. Ensuite, pour revenir à l’actualité, l’invasion de l’Ukraine en 2022 a eu un impact considérable sur les perspectives économiques d’Europe à court et à long terme affectant les activités à travers différents canaux, tels que les marchés des produits de base. Les pressions inflationnistes résultant de la hausse des prix des produits de base peuvent accélérer le resserrement de la politique monétaire et accroître le risque de stagflation. Présentement, au Canada, la situation inflationniste semble vouloir se normaliser en 2024, ce qui ne s’applique pas aux pays étudiés de l’Europe centrale. Les différents gouvernements respectifs doivent mettre en place des mesures adéquates non seulement pour contrôler l'inflation, mais aussi éviter une récession prolongée. Finalement, les quatre pays à l’étude possèdent une dynamique économique distinctive, où la collaboration se présente dans les domaines de l’infrastructure, de l’éducation, de la culture et la mobilité et la compétition résulte de la similitude des secteurs industriels, créant un climat économique complexe. Malgré la compétition, ils collaborent dans les domaines de l'infrastructure, de l'éducation, de la culture et de la mobilité en partageant une proximité géographique et des caractéristiques culturelles similaires.