Le transport joue un rôle essentiel dans le développement économique, social et environnemental d’une région et d’un pays. Le Québec et l’Europe centrale sont en constante évolution afin de répondre aux besoins grandissants en mobilité de leur population. Dans les dernières années, de nouveaux défis ont émergé, notamment la décarbonisation des transports et la crise énergétique, incitant ces régions à revoir leur plan de déplacement autant pour les populations que pour le transport des marchandises. Ce chapitre permet de dresser un portrait global de la mobilité dans les régions à l’étude en présentant les forces et faiblesses de chacune.
Comme mentionné dans le chapitre Économie, les pays de l'Europe centrale ont pu développer des expertises dans des domaines très spécifiques en bénéficiant des investissements directs étrangers (IDE). Ils ont ainsi pu consolider leur position comme berceau de certaines disciplines. Aujourd’hui, la Tchéquie, la Hongrie, la Slovaquie et l’Autriche forment avec la Pologne et l’Allemagne ce qui est considéré comme le « cœur manufacturier automobile d’Europe ». Les quatre pays à l’étude se caractérisent par la présence des plus grands constructeurs automobiles sur leurs territoires, ainsi que par les plus hauts taux de production de véhicules par habitant au monde.
EXPERTISE HISTORIQUE
Les quatre pays d’Europe centrale à l’étude ont tous une riche histoire en matière de production automobile. En effet, dès le 15e siècle, apparaissaient en Hongrie les calèches, ou kocsi szekér en hongrois, dont le nom sera à l’origine de l’appellation anglaise coach. L’industrie automobile moderne y voit le jour au début du 20e siècle, avec la construction de véhicules de promenade et d’autobus de transport de personnes. Parallèlement, on voit apparaître en Autriche des usines de construction d’automobiles, principalement pour des marques allemandes. Le secteur dépend alors fortement des exportations, ce qui est encore le cas aujourd’hui.
En Tchéquie, les mêmes avancées technologiques apparaissent, avec la construction de la première usine automobile en 1905 par Laurin & Klement, qui sera le précurseur du constructeur automobile Škoda Auto. Aujourd’hui, Škoda est le plus grand exportateur du pays et un des plus grands constructeurs automobiles européens. Il opère à présent sous la coupe de Volkswagen, qui a racheté l’entreprise en 1991, après la chute du mur de Berlin. Du fait de leur passé commun en tant que Tchécoslovaquie, la Tchéquie et la Slovaquie partagent beaucoup de similitudes, notamment en ce qui concerne le secteur manufacturier automobile. Aujourd’hui, la Slovaquie se place au 1er rang mondial en matière de production automobile par habitant, comme il est possible de l’observer à la [figure 5.1].
Figure 5.1 : Carte des principaux équipementiers et constructeurs automobiles en Autriche
Source : Globsec, 2021
BERCEAUX DES PLUS GRANDS CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES AU MONDE
Parmi les manufacturiers automobiles présents dans les quatre pays hôtes, il est possible de compter les plus grands au monde. Ainsi, Volk- swagen (maison-mère des marques Volkswagen, Audi, Cupra, Seat, Škoda, Porsche, Lamborghini, Bentley, Jetta et Bugatti), Stellantis (détenteur des marques Peugeot, Citroën, Opel, Jeep, Alfa Romeo et Maserati), Daimler (possédant les marques Mercedes-Benz, Mercedes-AMG, Mercedes-Maybach et Mercedes-EQ), le groupe Hyundai-Kia et Toyota possèdent tous des usines dans les quatre pays à l’étude. Au Canada, il est possible de retrouver des marques telles que Stellantis, Ford, GM, Honda et Toyota, qui sont installées principalement en Ontario.
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La visite de l’usine du constructeur automobile Škoda à Mladá Boleslav a permis aux membres de la mission Poly- Monde 2023 de saisir la taille de ce dernier. Cette seule usine couvre le tiers de la superficie de la ville de 28,9 km2 et emploie plus de 27 000 personnes. Une centrale électrique, une station de chargement d’automobiles sur train, une manufacture de batteries pour véhicules électriques, un collège pour la formation des futurs employés, des logements abordables, sont des exemples d’installations qu’on retrouve sur le territoire de l’usine.
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UNE PRODUCTION EN CONSTANTE CROISSANCE
En ce qui concerne la production automobile, l’Autriche a connu une diminution dans les 20 dernières années, tandis que les trois autres pays ont enregistré une augmentation importante, comme illustré dans la [figure 5.2].
Figure 5.2 : Évolution de la production automobile sur 20 ans
Source : OICA & Statistique Canada, 2022
Le recul de la production automobile autrichienne qui s’élève à 30 % sur 20 ans s’explique principalement par le déplacement des usines du pays vers les régions plus à l’est, notamment en Tchéquie et en Slovaquie. Dans ces deux pays, le secteur manufacturier automobile a vu une augmentation de respectivement 174 % et 343 % de sa production sur 20 ans. En Hongrie, la production automobile a progressé de 212 % sur cette même période.
Quant au Canada, il est possible de constater un recul de 50 % de la production manufacturière automobile sur les 10 dernières années (Statistique Canada, 2022). Ceci s’explique entre autres par la crise financière de 2008, dont les conséquences ont fortement impacté les différents constructeurs présents dans le pays. Bien qu'ils aient bénéficié de subventions gouvernementales depuis lors pour tenter de redresser leurs activités, cela n'a pas eu l'effet escompté d’influencer de manière significative la tendance à long terme.
DES CHAMPIONS DE LA PRODUCTION AUTOMOBILE
En 2018, la Slovaquie se classait au premier rang mondial en nombre de véhicules fabriqués pour 1000 habitants (OICA et Helgi Analytics calculation, 2021) avec 204 véhicules, suivie au 2e rang par la Tchéquie, avec 134 véhicules. La Hongrie, avec ses 48 véhicules construits pour 1000 habitants, se classait au 7e rang mondial.
Concernant le taux de motorisation, l’Autriche et la Tchéquie se situent dans la moyenne européenne de 553 véhicules en circulation pour 1000 habitants, tandis que la Hongrie ferme la marche avec un taux de 390, comme l’illustre la [figure 5.3].
Figure 5.3 : Taux de production automobile vs taux de motorisation
Source : Eurostat, 2021
UNE INDUSTRIE PILIER DE L’ÉCONOMIE ET CRÉATRICE D’EMPLOI
Le secteur manufacturier automobile constitue un important contributeur au PIB et à l’emploi dans les pays à l’étude en Europe centrale. On peut observer sa contribution dans la [figure 5.4]. En Slovaquie, le secteur manufacturier automobile représente 16 % du secteur manufacturier global, ce qui constitue le taux d’emploi dans l’industrie automobile le plus élevé de l’Union européenne (ACEA, 2022). Le pays est suivi de près par la Tchéquie (13,8 %, 3e rang de l’UE) et la Hongrie (12,9 %, 5e rang de l’UE).
Figure 5.4 : Contribution de l'industrie manufacturière automobile à l'économie
Source : ACEA, 2022
Par ailleurs, le secteur représente 10,8 % du PIB de la Slovaquie (Association de l'industrie automobile slovaque, 2023) et 34 % de ses exportations manufacturières. En Hongrie et en Tchéquie, il représente 23 %, et il est de 13 % en Autriche (The European Investment Bank, 2022).
Malgré son poids dans l'économie slovaque, le secteur manufacturier automobile n’y est pas très diversifié. Le pays compte en effet une seule usine de production de moteurs et trois usines d’assemblage de véhicules de promenade. En revanche, la Tchéquie compte huit usines, tandis que la Hongrie et l’Autriche en comptent cinq chacune. De plus, produisent également des autobus et des camions lourds. Ensemble, ces quatre pays accueillent 11 % des usines automobiles présentes en Europe. Au Canada, il est possible d’en compter 14.
ÉLECTRIFICATION DU SECTEUR MANUFACTURIER AUTOMOBILE
La tendance mondiale marquée par l’électrification des transports est aussi observée en Europe centrale, où la production de véhicules électriques prend son envol. Par exemple, depuis 2020, Škoda offre une voiture entièrement électrique, la ENYAQ iV, en six différents modèles, avec une production de plus de 250 véhicules par jour (Škoda, 2023).
Aussi, l’entreprise développe actuellement une nouvelle expertise en ce qui a trait à la fabrication de batteries pour véhicules électriques. Volkswagen, sa maison-mère, a annoncé un investissement de deux milliards de dollars en Tchéquie pour la construction d’une usine de production de batteries pour véhicules électriques (The Prime CZ, 2023). Une annonce similaire a été faite au Canada, toujours par Volkswagen, pour la construction d’une usine en Ontario, ce qui représente le premier investissement hors Europe du fabricant dans ce domaine (CBC, 2023).
En conclusion, malgré son poids imposant dans les économies des pays à l’étude, le secteur manu- facturier automobile fait preuve d’innovation pour tenir compte des préoccupations environnemen- tales croissantes.
Dans les dernières années, plus de 120 pays, incluant le Canada, l’Autriche, la Hongrie et la Tchéquie, se sont engagés à atteindre les objectifs de carboneutralité d’ici 2050. Pour y parvenir, il est essentiel de décarboniser le secteur des transports, qui est l’une des principales sources d’émission de GES (Ritchie, 2020).
OBJECTIFS AMBITIEUX
Depuis la signature de l’Accord de Paris en 2015, le Canada et les pays à l’étude de l’Europe centrale se sont engagés à diminuer de manière importante leurs émissions de gaz à effet de serre. L’objectif est d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050 (International Transport Forum, 2021). D’après l’Institut climatique du Canada, la carboneutralité consiste à compenser toute émission qui n’a pas été réduite à la source par des « émissions négatives ». Le but est d’atteindre un bilan total des émissions égal à zéro (Gignac & Delorme, 2021).
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Les émissions négatives peuvent être produites de deux façons (Gignac & Delorme, 2021) :
• Exploiter les processus naturels afin de stocker les GES dans les plantes à l’aide de processus naturels tels que la gestion forestière durable et l’agriculture régénératrice des sols.
• Utilisation de nouvelles technologies pour éliminer les GES de l’atmosphère, puis les enfouir profondément dans le sol ou les incorporer dans des produits ou des matériaux.
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Afin d’atteindre ces objectifs, le Québec prévoit diminuer de 37,5 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, par rapport à leur niveau de 1990 (Gignac & Delorme, 2021). De manière plus ambitieuse, l’Union européenne vise une diminution de ses émissions de 60 % d’ici 2030, par rapport au niveau de 1990 (Actualité Parlement européen, 2019). Sept secteurs sont responsables de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre : l’électricité, l’industrie lourde, les transports, les bâtiments, l’agriculture, les déchets ainsi que l’exploitation pétrolière et gazière. La [figure 5.5] met en évidence l’importance cruciale de la décarbonisation des transports pour atteindre les objectifs de carboneutralité en raison de la part significative des émissions de GES générées par ce secteur dans les pays étudiés.
Figure 5.5 : Part des émissions de gaz à effet de serre du secteur du transport
Source : European parliament, 2021; Gouv. du Québec, 2021; Gouv. du Canada, 2021
La part élevée des émissions de GES provenant du secteur des transports au Québec s’explique par le fait que la production d’énergie dans cette région est à 99 % renouvelable (Investissement Québec, 2022). En revanche, pour les autres régions étudiées, la production d’électricité constitue une source plus ou moins importante d’émission de GES, ce qui réduit la part des émissions du secteur des transports.
ENJEUX DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
La décarbonisation des transports nécessite une importante transition énergétique qui comporte de nombreux enjeux spécifiques à chaque territoire.
Au Québec, le principal défi de la transition énergétique concerne la diversification des énergies propres. L’électrification est souvent présentée comme la solution naturelle pour la décarbonisation des transports, notamment au Québec où la production d’électricité provient de sources d’énergie renouvelable. Cependant, plusieurs questions se posent concernant la disponibilité et la fiabilité de l’approvisionnement en électricité. À l’heure actuelle, le réseau électrique éprouve déjà des surcharges durant les périodes de grands froids (Hydro-Québec, 2023). Les impacts générés par l’électrification des transports sur le réseau électrique seront énormes. Il faut donc prévoir une hausse substantielle de la capacité de production afin de pouvoir satisfaire la consommation d’électricité supplémentaire (Pedinotti-Castelle, Pineau, & Amor, 2020). Une autre question à considérer est l'incertitude entourant les progrès technologiques. Les progrès anticipés dans l’autonomie, le poids et le coût des batteries seront-ils suffisants pour répondre aux besoins de la société en matière de transport ? Par exemple, pour le transport routier des marchandises, les défis technologies sont énormes. Il faut alors se questionner sur la pertinence d’électrifier ce segment du transport. Diversifier les solutions et les approches serait moins coûteux financièrement que de forcer l’électrification de l’ensemble du secteur des transports (Pedinotti-Castelle, Pineau, & Amor, 2020). De plus, la diversité énergétique renforce la résilience du système en répartissant les risques et les impacts, ce qui permet de garantir une continuité de l’approvisionnement même en cas de perturbation majeure.
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Wiener Linien, la société de transport de Vienne, est en train de convertir progressivement sa flotte d’autobus en véhicules zéro émission à hydrogène. Le bus Urbino Hydrogen de Solaris est présentement testé dans les rues de la ville. Si le test est concluant, la ligne 39A entre Heiligenstadt et Sievering devrait être entièrement desservie par un bus à hydrogène d’ici la fin de 2024.
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En Europe centrale, les enjeux de la décarbonisation sont principalement causés par l’accélération soudaine de la transition énergétique, ce qui rend la situation chaotique (Parlement européen, 2022). En effet, la crise énergétique et l’invasion russe de l’Ukraine ont causé une hausse importante du prix de l’énergie, à laquelle s’est ajoutée la question de la sécurité d’approvisionnement. Cette situation démontre l’importance des énergies de rechange et de l’accélération de la décarbonisation afin de limiter l’impact sur les populations. L’UE prévoit de réduire la part globale des importations de gaz provenant de Russie et investir dans la transition verte (Borrell, 2022). Pour remédier au problème immédiat de la sécurité de l’approvisionnement en gaz, l’UE a intensifié sa collaboration avec les États-Unis, qui est le premier fournisseur de gaz naturel liquide (GNL) de l’Europe. De plus, il y a des négociations avec d’autres pays tels que la Norvège et le Qatar. Entre-temps, les pays d’Europe centrale tentent de mettre en place un bouquet énergétique diversifié, comprenant notamment l’hydrogène vert et les biocarburants.
SOURCES D’ÉNERGIES ALTERNATIVES
Pour assurer la résilience d’un système énergétique, il est primordial d’avoir un approvisionnement décentralisé, c’est-à-dire une diversification des sources d’énergie. L’électrification est une composante essentielle à la décarbonisation. Toutefois, la recherche d’énergie de rechange constitue une part importante de la transition énergétique, notamment pour les secteurs plus difficiles à électrifier tels que le transport maritime international, l’aviation et le transport routier longue distance. Le [tableau 5.1] présente les avantages et les désavantages des différentes sources d’énergie de rechange.
Tableau 5.1 : Avantages et désavantages des sources d’énergie alternatives
Source : Conserve Energy Future, 2023
Le Québec et les pays d’Europe centrale ont élaboré des plans d’action visant à utiliser de l’hydrogène vert pour décarboniser le secteur des transports. Plusieurs projets seront mis en place dans un horizon très rapproché.
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La couleur de l'hydrogène varie en fonction de la méthode de production, reflétant ainsi son impact environnemental (République Française, 2021) :
• Noir : produit à partir de charbon.
• Gris : produit à partir de gaz naturel.
• Bleu : produit à base de gaz naturel, mais les quantités de CO2 émises lors de la production sont capturées, stockées pour être réutilisées.
• Jaune : produit grâce à l’électrolyse de l’eau avec de l’électricité provenant du nucléaire.
• Vert : produit grâce à l’électrolyse de l’eau avec de l’électricité renouvelable (exemples : solaire, éolienne, hydroélectrique)
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Les biocarburants constituent également une bonne source d’énergie de rechange aux combustibles fossiles. L’éthanol et le biodiesel sont les deux types de biocarburants les plus courants (AQPER, 2017). Dans le scénario « zéro émission nette d’ici 2050 » de l’Agence internationale de l’énergie, la consommation de biocarburants en 2030 représenterait 12 % de la demande mondiale de carburant pour les transports (IEA, 2021).
MESURES INDIRECTES DE LA DÉCARBONISATION
La décarbonisation des transports ne dépend pas uniquement du type de carburant utilisé. Plusieurs mesures indirectes peuvent être mises en place afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, ces dernières années, le gouvernement canadien a investi plus de 30 milliards de dollars dans le développement des infrastructures de transport en commun et actif sur son territoire (Environnement et Changement climatique Canada, 2022). Il suffit de penser aux investissements majeurs réalisés pour le développement du Réseau express métropolitain (REM) ou encore pour le prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal. De plus, de nombreux incitatifs pour les véhicules zéro émission et le covoiturage ont été mis en place. De même, l’Autriche a instauré le « Klima Ticket » offrant une utilisation quasi illimitée des transports publics dans tout le pays, et ce, avec un seul billet. Cette mesure vise à réduire de 16 % l’utilisation des voitures d’ici 2040 (OECD, 2022). Cependant, l’aménagement urbain constitue la méthode indirecte la plus efficace à long terme pour parvenir à la décarbonisation. En effet, les mouvements de population suivent le développement des infrastructures de transport. La victoire ou la défaite dans la lutte au changement climatique dépendra de la manière de concevoir, de construire et d’exploiter les villes à travers le monde (KPMG, 2022).
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Les biocarburants : Carburants de substitution obtenus à partir de biomasse (matière première d’origine végétale, animale ou issue de déchets), et destinés à être utilisés dans les transports, principalement sous forme d’additifs ou de compléments aux carburants fossiles (Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire français, 2018).
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Dans les dernières années, différentes problématiques telles que le vieillissement de la population et la crise climatique poussent les individus à se tourner vers des alternatives aux moyens de transport individuels. Le développement du transport collectif dans les grands centres urbains est essentiel pour contrer ces problématiques toutefois, il n’est pas suffisant. De par son importance, l’offre de services de transport collectif rural et interurbain doit également être bonifiée.
MOBILITÉ URBAINE
La mobilité urbaine se définit comme étant l’aisance de déplacement des personnes par tout moyen de transport, actif ou motorisé, dans une aire urbaine (Gouvernement du Québec, 2023). Il est important de développer le transport urbain puisqu’il permet d’assurer la compétitivité économique, la cohésion sociale et la croissance durable des villes (Commission européenne, 2023). Afin d’améliorer la qualité de vie des individus dans les grands centres urbains et pour atteindre les objectifs de décarbonisation, les villes misent sur le développement des modes de transport collectif et actif. Une offre de transport dense, de qualité et facile d’utilisation contribue à la transition des autosolistes vers les transports en commun. La [figure 5.6] présente la part modale de l’utilisation de l’automobile et des transports collectifs des grandes villes à l’étude.
Figure 5.6 : Part modale de la population
Source : Deloitte City Mobility Index, 2023, SpringerOpen, 2023
À la [figure 5.6], il est possible de constater que la part modale de l’automobile à Montréal est nettement supérieure à celle des grandes capitales à l’étude en Europe centrale, qui ont pris des mesures pour favoriser le transport collectif et actif. En effet, lors de la visite chez Wiener Linien, société de transport en commun de Vienne, la ville a été présentée comme une zone bleue dans laquelle tous les stationnements sont payants en vue de réduire l’achalandage automobile. De plus, Wiener Linien et DPP, la société de transport de la ville de Prague, ont réduit les tarifs de leurs abonnements annuels, les faisant passer à 3650 CZK pour DPP et à 365 EUR pour Wiener Linien, ce qui correspond à un tarif journalier symbolique de 10 CZK et 1 EUR. Ces montants sont équivalents à 225 CAD et 530 CAD, comparativement à 1128 CAD pour un abonnement annuel de 12 mois avec la Société de transport de Montréal (STM) (ARTM, 2023).
En implantant ces mesures, les deux compagnies ont rendu le transport en commun plus attractif par rapport à l’automobile. Ainsi, il n’est pas rare de rencontrer à Vienne, dans le métro ou le tramway, des personnes en tenue de soirée qui se rendent à l’opéra, rendant honneur à la citation de Gustavo Petro : « A developed country is not a place where the poor have cars. It's where the rich use public transportation ».
Finalement, l’accessibilité des réseaux de transport constitue un facteur décisif quant au choix du mode de déplacement par les personnes à mobilité réduite ou encore celles qui se déplacent avec une poussette. Ainsi, la DPP a intégré des ascenseurs dans 70 % de ses stations (DPP, 2023). En comparaison, 30 % des stations de métro de la STM sont équipées d’ascenseurs. Dans les dernières années, la STM a doublé, voire triplé, le rythme d’installation d’ascenseurs dans ses stations afin d’atteindre prochainement l’accessibilité universelle dans le métro (STM, 2023).
MOBILITÉ INTERURBAINE
La mobilité interurbaine se définit par tout moyen de transport qui permet de relier des villes entre elles (Dictionnaire Larousse, 2023).
Les [tableau 5.2] et [tableau 5.3] présentent une courte analyse comparative entre divers moyens de transport qui auraient pu être utilisés par les membres de la mission Poly-Monde 2023 pour se déplacer entre les différentes villes visitées par la mission. Il est possible de constater que les offres de services pour les trajets Montréal – Québec et Bratislava – Budapest en train sont assez similaires sur le plan des coûts, de la durée et de la fréquence de passage. Le trajet le moins cher et le plus fréquent pour ce mode de transport est celui reliant Vienne à Prague. Le nombre de compagnies de transport offrant ces trajets en train est également plus élevé en Europe centrale (31) qu’au Québec (1).
Tableau 5.2 : Comparaison de trajet en train entre le Québec et l’Europe centrale
Source : Omio, 2023 et VIARail Canada, 2023
Tableau 5.3 : Comparaison de trajet en bus entre le Québec et l’Europe centrale
Source : Omio, 2023 et Busbud, 2023
Il est également possible de voyager entre ces différentes villes par autobus. Dans ce cas, les fréquences sont similaires, mais le coût pour aller de Montréal à Québec en autobus est 1,9 fois plus cher que de Vienne à Prague, et 2,8 fois plus cher que de Bratislava à Budapest.
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Lors de la visite chez ÖBB correspondant au plus grand fournisseur de service de mobilité en Autriche, l’entreprise a mentionné la non-uniformité des normes entourant le trans- port ferroviaire des passagers tels que la largeur des rails et hauteur de quais, type et valeur de tension électrique, etc. Ces disparités ont pour effet de limiter le transport interurbain entre de nombreuses villes d’Europe.
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En somme, il est aisé de constater que, malgré leur statut de capitales économique et politique, Montréal et Québec sont desservies entre elles par des offres de liaisons en transport en commun encore peu fournies, en comparaison aux autres grandes capitales européennes à l’étude.
MOBILITÉ RURALE
Les enjeux liés à la mobilité auxquels sont confrontées les collectivités rurales diffèrent grandement de ceux rencontrés dans les milieux urbains. La planification des transports pour un territoire caractérisé par une faible densité démographique et une dispersion des activités posent des défis particuliers en matière de desserte en transport collectif. Selon la [figure 5.7], il est possible de constater qu’une partie importante de la population des territoires à l’étude est concernée par la mobilité rurale.
Figure 5.7 : Taux de la population totale résidant dans les régions rurales
Source : Banque mondiale 2021; MTMD, 2018
Il est fréquent que les services de transport en commun régional soient organisés uniquement à l’intérieur des limites territoriales d’une municipalité, alors que les besoins de mobilité des citoyens dépassent généralement ces frontières. En travaillant avec les autres partenaires de la région, les transporteurs peuvent rentabiliser leurs déplacements et bien desservir les usagers (Furino, 2021). De plus, il est primordial de miser sur l’excellence du service client en offrant aux usagers des véhicules confortables équipés de wifi à bord. La mobilité rurale correspond à un moteur économique. Ainsi, une bonne offre de transport collectif permet de retenir les jeunes dans la région (Furino, 2021).
Ces dernières années, plusieurs initiatives ont été mises en place, témoignant de la pertinence de l’instauration de réseaux de transport en commun dans les zones rurales.
• L’Autriche a mis sur pied le réseau d’autocars Landbus Bregenzerwald permettant de desservir tous les villages de la région de Bregenzerwald, répartis sur 587 km2. L’offre de transport est dense et disponible tout au long de la journée et de la semaine, ce qui permet de répondre aux besoins de déplacements quotidiens des usagers (Cureau, 2018).
• Les cinq MRC des régions de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine se sont regroupées afin de former une régie (RÉGIM). Cette organisation permet au territoire en question de percevoir une taxe sur l’essence afin de financer ses services. Grâce à cette autonomie financière, la RÉGIM est en mesure de fournir des services de transport de qualité dans toute la région, tout en lançant des projets novateurs (Furino, 2021).
En conclusion, une offre de transport dense, de haute qualité et conviviale incite la transition des autosolistes vers les transports collectifs.
Près d’un quart des émissions de gaz à effet de serre dans le monde proviennent du secteur des transports, ce qui en fait l’un des acteurs majeurs du changement climatique (WeAreGreen, 2023). Les marchés autrichien, slovaque, tchèque et hongrois sont dominés par les transports ferroviaires et routiers, qui engendrent des répercussions environnementales significatives (Données Mondiales, 2021).
MODES DE TRANSPORT LES PLUS UTILISÉS POUR L’EXPORTATION DES MARCHANDISES EN EUROPE CENTRALE
Différents modes de transport de marchandises sont utilisés dans les pays étudiés : les véhicules routiers pour de moyennes distances, et l'avion pour un transport rapide sur de plus longues distances, mais nécessitant une consommation élevée de carburant. D’un autre côté, le transport maritime est rentable, mais il est peu utilisé dans les pays étudiés, en raison de leur faible réseau de voies maritimes. Le train, quant à lui, est populaire en raison de son vaste réseau et de la facilité d’accès aux autres pays de l’UE. Néanmoins, tous ces modes de transport engendrent des conséquences environnementales, ce qui souligne donc la nécessité d’apporter des améliorations. La [figure 5.8] compare le nombre de tonnes-km sur route et sur rails dans les pays à l’étude.
Figure 5.8 : Quantité de marchandises transportées par rails et par routes
Source : Données Mondiales, 2023
Tout d’abord, l'Autriche, qui est située au centre de l'Union européenne, est un des épicentres du transport de marchandises. Bien que le pays ait pris des décisions controversées dans le passé en ce qui concerne le développement de voies ferrées dans des zones écologiquement fragiles, il occupe actuellement une position de premier plan en matière de protection de l’environnement. Des normes environnementales strictes et des mesures incitatives sont en place pour parvenir à un réseau de trains entièrement écologique d'ici 2040 (Le grand Continent, 2023). Le pays encourage d’ailleurs l’utilisation accrue des transports ferroviaires alimentés par des sources d'énergie renouvelable. Le transport maritime et aérien devra également évoluer vers des approches plus respectueuses de l’environnement.
La Hongrie a quant à elle réussi à mettre en place un réseau ferroviaire performant capable de transporter environ 254 870 millions de tonnes de marchandises par an (Données mondiales, 2021). De plus, depuis son adhésion à l'espace Schengen en 2007, les frontières et les contrôles douaniers avec les pays voisins ont été abolis, facilitant ainsi le transport de marchandises et les échanges commerciaux. Le pays encourage également l'utilisation de biocarburants en accordant des incitatifs fiscaux aux transporteurs routiers.
La Slovaquie a développé considérablement son système de transport depuis son adhésion à l’Union européenne. Environ 20 % du transport total de marchandises dans le pays est effectué par voie ferrée, dépassant ainsi la moyenne européenne.
Le transport maritime est quant à lui marginal en Slovaquie, ne totalisant que 1,47 milliard de tonnes-kilomètres (Données mondiales, 2021). Le pays, qui dispose d’un accès direct au réseau autoroutier des pays voisins, encourage activement le transport routier en exonérant des droits d’accises les véhicules utilisant des carburants tels que le bioéthanol, le biodiesel, le biogaz et l'oxyde d'éthyle.
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« Les droits d'accises sont des impôts indirects sur l'utilisation ou la vente de certaines catégories de produits, comme l'alcool, le tabac et l'énergie. Ces droits sont codifiés et régis par des directives communautaires et le Code général des impôts. » (AKENEA, mai 2023)
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Dans le [tableau 5.4], la Tchéquie se démarque par l’étendue de son réseau ferroviaire, plus vaste que celle des trois autres pays. En 2019, 98 804 millions de tonnes de marchandises ont été transportées par voie ferrée, tandis que près de 504 millions de tonnes ont été acheminées par voie routière. En revanche, les voies fluviales restent marginales, avec seulement 1,74 million de tonnes de marchandises transportées, tout comme le transport aérien, avec seulement 4000 tonnes (BNP Paribas, 2021). Malgré un accès limité à l'eau, le pays occupe une place de premier plan en ce qui concerne le flux de marchandises, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Union européenne. Grâce à ses infrastructures de transport développées, la Tchéquie offre des liaisons directes avec ses pays voisins. De plus, comme la Slovaquie, le gouvernement encourage l'utilisation de carburants plus respectueux de l'environnement en exonérant des droits d'accises les camions utilisant des carburants contenant au moins 31 % d'ester de méthyle.
Tableau 5.4 : Longueur des réseaux de chaque pays
Source : Données Mondiales, 2021
COMPARAISON AVEC LE SECTEUR DES TRANSPORTS AU CANADA
De l’autre côté de l’Atlantique, le Canada dispose d'un vaste réseau routier de près de 1,04 million de kilomètres et d'un réseau ferroviaire de 78 000 km. Il tire aussi profit de 679 points d’accès à l'eau et de 636 km de voies navigables, ce qui facilite le transport outre-mer, en particulier au Québec (Données Mondiale, 2021). Cependant, le système de transport dans les petites villes est moins développé qu’en Europe. Une étude de 1999 commandée par le gouvernement du Québec indique que le transport routier est plus compétitif pour les trajets internes d’une distance de moins de 1 100 km, tandis que le transport ferroviaire est privilégié pour les distances plus longues et l’accès au marché nord-américain. En 2009, au Québec, 60,8 millions de tonnes de marchandises ont été transportées par train, réduisant ainsi les risques d’accident et les émissions de gaz à effet de serre.
Bien que les différents modes de transport contribuent à la croissance économique du Québec, ils génèrent 40 % de toutes les émissions de gaz à effet de serre dans la province. La [figure 5.10] illustre la répartition des émissions de gaz à effet de serre au Québec pour chacun des modes de transport de marchandises.
Figure 5.10 : Répartition modale des GES émis par le secteur des transports
Source : Gouvernement du Québec, 2023
Au Québec, le transport de marchandises sur route a un fort impact environnemental. Ainsi, le Canada a mis en place des réglementations et des mesures incitatives visant à atteindre la carboneutralité pour les véhicules routiers d’ici 2050. De plus, des projets pour développer les infrastructures de recharge pour les véhicules électriques sont en cours. La technologie de recharge pour les véhicules lourds est quant à elle moins avancée. Toutefois, la Banque de l’infrastructure du Canada a annoncé un investissement de 500 millions de dollars (CAD) qui permettra de développer cette technologie et d’augmenter la disponibilité des bornes de recharge (Banque de l’infrastructure du Canada, 2023).
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Lion Électrique est un manufacturier de véhicules lourds à zéro émission. Il produit des camions urbains de classe 5 à 8 qui sont 100 % électriques. En 2021, Lion a conclu une entente avec la compagnie Amazon pour la livraison de 2500 véhicules de types 6 et 8 d’ici 2025 (School transportation Group, 2023).
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Enfin, pour atteindre les objectifs internationaux en matière de réduction des gaz à effet de serre, des investissements dans le secteur du transport sont nécessaires, notamment pour favoriser l’utilisation de moyens de transport plus respectueux de l’environnement.
Le domaine des transports continue d’évoluer et de se transformer pour répondre aux besoins changeants de la société. Les avancées technologiques et les préoccupations croissantes concernant l’environnement conduisent à des innovations significatives dans ce domaine. Le secteur manufacturier automobile, qui occupe une place importante en Europe centrale, est en transition afin de suivre la tendance des véhicules électriques. De même, les sociétés de transport collectif et de transport de marchandises travaillent aussi à apporter des solutions aux enjeux écologiques. Cependant, certains défis persistent, comme la crise énergétique et le développement des transports dans les milieux ruraux. Il est donc important de continuer à investir dans la recherche et l’innovation pour développer un système de transport plus efficace, durable et inclusif pour tous.
Alexandre Pham
Emma Racine
Marine Sabrié
Claudia Farand
Sarah Ovide
Kimberly Clair
Aglaya Palgova
Antoine Drouin
Vincent Payette
Vincent Boltz
Jennifer Beaunègre
Dylanne Sevigny
Aicha Gansonre
Rahila Touné
Chloré Tremblay
Nicolas Turcotte
Alexandre Dauphin-Laprise
Vincent Lepage
Franck Kinfack