Chloé Blais-Lemelin
Kevin Lacasse
Jiven Ramdini

AÉROSPATIALE

Bombardier versus Boeing : La chute des géants?
COVID-19 : Préparez-vous à l'atterrissage
Conquête de l'espace : Vers l'infini et plus loin encore
Space 2.0 : La privatisation de l'espace
Les retombées de l'exploration spatiale

Depuis des années, l’aérospatiale est un pilier de l’économie pour plusieurs régions. Le Québec et la côte ouest nord-américaine n’y font pas exception. Bien au contraire, ces deux régions figurent parmi les chefs de file de cette industrie. Certains éléments particuliers permettent d’établir des ressemblances et des disparités entre ces deux grands joueurs. Citons à ce titre l’évolution des grandes entreprises de l’aéronautique au fil du temps, l’impact de la COVID-19 sur le secteur aérospatial, la conquête spatiale, sa privatisation et finalement ses retombées.. Ce chapitre permet de brosser un portrait global de ce domaine qui repousse toujours les limites de l’innovation et de l’humanité.

Bombardier versus Boeing : la chute des géants?

Jiven Ramdini

Le Québec et Seattle figurent au rang des principaux acteurs de l’industrie de l’aéronautique. En effet, l’ascension de Bombardier et de Boeing témoigne de la place importante de ces deux régions. Les dernières années ont toutefois été compliquées pour ces deux compagnies, ce qui a permis à leur principal concurrent, Airbus, de saisir certaines opportunités du marché.

BOMBARDIER

Fondée en 1942 par l’inventeur québécois Joseph-Armand Bombardier, l’entreprise du même nom s’est d’abord lancée dans la fabrication et la vente de motoneiges, puis du transport ferroviaire avant de se tailler une place dans l’aviation. En 1992, l’avionneur québécois décida d’entrer dans le secteur des avions régionaux avec son programme CRJ, véritable pivot pour ce segment de marché. La montée en puissance de Bombardier dans la catégorie des avions d’affaires et régionaux a poussé l’entreprise à se lancer, en 2008, dans la conception d’une nouvelle gamme d’appareils : le programme CSeries. Avec des réductions d’émission de NOx de 50 %, de CO2 de 20 %, et des économies de carburant et d’exploitation du même ordre, la mise en service de cet appareil, quatre fois plus silencieux que ses concurrents, fut qualifiée de révolutionnaire (Bombardier, 2010).

BOEING

Né Aero Products en 1916 et renommé Boeing Airplane Company l’année suivante, le plus grand manufacturier d’avions commerciaux au monde a vu ses activités se diversifier au fil des années. Enfilant les succès du côté militaire, le volet commercial de l’entreprise fera pourtant face à la faillite vers la fin des années 1970 à la suite du développement du programme de l’avion-cargo 747. Les difficultés financières seront toutefois mitigées par la mise en marché du 747, mais également, en 1967, du 737 qui demeure à ce jour l’avion commercial le plus vendu au monde (O’Hare, 2022).

L'acquisition d'entreprise : une stratégie de choix pour Boeing et Bombardier

Pour Boeing, il s’agit du rachat de McDonell Douglas, fournisseur principal d’avions militaire de 1939 à 1991. Ce rachat permet à Boeing de renforcer sa présence dans le secteur militaire en devenant le premier fournisseur de l’armée américaine. Cette acquisition entraînera toutefois un changement de mentalité qui favorisera Wall Street au détriment de la sécurité (Bailey & McAlester, 2022).

Bombardier acquiert quant à lui Canadair qui, malgré sa situation financière critique, présente un potentiel de croissance et une porte d’entrée dans le secteur de l’aéronautique. Ce rachat entraînera l’acquisition de Shorts, Learjet et Havilland, et permettra à l’entreprise de développer son mythique avion : le CSeries (MacDonald, 2012).

LES RAISONS DE LEUR DÉCLIN

Avec la hausse des coûts du carburant, en 2016, le monde de l’aviation se mobilise afin de moderniser les avions et de concevoir des appareils les plus performants et économes possibles (Bailey & McAlester, 2022). Bombardier saisit alors l’opportunité et entre sur le marché de l’aviation civile en lançant son programme CSeries. Les appareils de cette série sont conçus pour accueillir moins de passagers que ce que le marché exigeait à l’époque (130 au lieu de 150), afin de ne pas attirer l’attention d’Airbus et de Boeing (Bordeleau, 2021). Toutefois, c’est le contraire qui se produit : Boeing accuse Bombardier de vendre ses avions à perte après avoir reçu une aide de 1,7 milliard de dollars canadiens accordée par le gouvernement québécois, et exige une taxe de vente sur le sol américain d’environ 300 % (ICI.Radio-Canada.ca, 2018). Ce conflit entre les deux compagnies tournera à l’avantage du géant canadien puisque la Commission internationale du commerce des États-Unis (USITC) tranche en faveur de Bombardier et refuse l’application de la taxe (ICI.Radio-Canada.ca, 2018). En parallèle, Boeing décide de remettre à jour le 737, son avion-vedette, au lieu d’en construire un nouveau. Il souhaite ainsi éviter les délais d’approbation de la Federal Aviation Administration (FAA), mais également les frais de formation des pilotes. Cette stratégie se traduira, en 2018 et en 2019, par l’écrasement mortel de deux appareils 737 MAX, attribuables au manque de communication avec les pilotes au sujet du Maneuvering Characteristics Augmentation System (MCAS) (Codère, 2020) (Bailey & McAlester, 2022). Ces tragédies pousseront les gouvernements du monde entier à forcer la mise au sol de ces aéronefs pendant 20 mois, causant des pertes d’environ 25 milliards de dollars canadiens.

Le Maneuvering Characteristics Augmentation System

Le Maneuvering Characteristics Augmentation System (MCAS) est un dispositif logiciel et matériel conçu par Boeing afin de corriger un défaut de conception sur les 737 Max. En effet, la présence de moteurs plus volumineux a causé un certain déséquilibre au niveau de la structure, ce qui rend inefficace la capacité à piquer des gouvernes de profondeur. Le MCAS a donc pour mission de faire piquer l’avion dès que ce déséquilibre est trop présent en vol afin de soutenir les gouvernes de profondeur (Boeing, 2022) (Wikipédia, 2021).

Malgré sa victoire face à Boeing, Bombardier a commis l'erreur de lancer deux autres avions en même temps que le CSeries, soit le Learjet 85 et le Global 7500, sans avoir les moyens financiers d’assumer les coûts qui leur sont associés (Dostaler, 2020). Certains experts rapportent qu’il aurait été plus judicieux de se consacrer entièrement au CSeries, qui était l’avion le plus performant de l’époque (Bordeleau, 2021). Cette situation n’a pas échappé à Airbus qui a su saisir cette opportunité en achetant le programme CSeries de Bombardier, avions qui porteront désormais le titre de A-220. En plus d’implanter Airbus au Québec, cet achat lui permet de faire le pont avec le gouvernement canadien et Bombardier (Kemper, 2017). Ce rachat semble donc bénéfique pour Bombardier, qui trouve une porte de sortie au fiasco du CSeries, mais surtout pour Airbus qui profite de la perte de réputation de Boeing pour s’imposer comme un futur chef de file du marché (Allard, 2018).

PERSPECTIVES : L'ÉMERGENCE DE NOUVEAUX MARCHÉS

Malgré cette chute, Bombardier a su rebondir vers un nouveau marché émergent: les avions d’affaires. Ce marché est en pleine croissance avec des prévisions de commandes 40 % supérieures à celles de 2016 (Figure 6.1.1). Les avions Global et Challengers de Bombardier sont reconnus pour leur grande qualité. En effet, le prix Red Dot « Meilleur des meilleurs » 2022 pour le design de produit a été attribué au Challenger 3500 (Cristofaro, 2022). Cependant, ce marché est étroitement lié à la croissance du PIB, au rendement boursier positif et au cours du pétrole (Cano, 2017). Des facteurs fortement impactés par la crise sanitaire, mais également par l’actuel conflit militaire entre l’Ukraine et la Russie.

Figure 6.1.1 Flotte d'avions d'affaires en 2016 et prévision de la même flotte en 2025

Source : Cano, 2017

De son côté, Boeing s’attaque au marché africain qui est en plein essor. Actuellement, les flottes des compagnies augmentent de 3,6 % par an afin de répondre à l'augmentation de la demande qui atteint 5,4 % par année, ce qui fait du continent africain la région avec la troisième plus grande croissance en termes de passagers. C’est donc environ 1 000 nouveaux avions qui devraient être achetés par les compagnies aériennes africaines d’ici 2040 afin de répondre à cette demande, dont 80 % possédant des avantages économes et plus durables. Les revenus engendrés sont évalués à environ 400 milliards de dollars (achats et service après-vente compris) soit une aubaine pour Boeing qui cherche à rebondir après tous ses déboires (La quotidienne, 2021).

UNE CHUTE MITIGÉE?

Boeing et Bombardier sont effectivement des acteurs majeurs de l’industrie aéronautique. Les dernières années ont toutefois été difficiles pour les deux compagnies, ce qui a permis à leur concurrent principal, Airbus, de se renforcer. Néanmoins, de nombreuses opportunités existent pour les deux compagnies : ce qu’elles en feront dépendra finalement de leur capacité à surmonter la crise sanitaire de la COVID-19, tout en relevant leurs défis respectifs.

C. Maximilian

COVID-19 :
préparez-vous à l'atterrissage

Jiven Ramdini

Depuis décembre 2019, le monde entier vit au rythme d’un virus qui a des répercussions sur l’économie mondiale et bien évidemment, le secteur de l’aéronautique est lui aussi durement affecté. Bien que l’industrie tente tant bien que mal de se relever et de revenir à la normale, l’impact qu’aura eu la COVID sur les deux régions à l’étude sera comparé afin de discerner si celle-ci a réellement freiné l’industrie de l’aéronautique.

UN SECTEUR TRÈS AFFECTÉ

Entre 2020 et 2022, le secteur de l’aéronautique a été fortement affecté à l’échelle mondiale par la crise sanitaire. En effet, au début de la crise, en 2020, plus de 90 % de la flotte mondiale des avions a été clouée au sol (Kasmi, 2020). Cela a provoqué une chute de plus de 50 % des revenus totaux prévus pour l’année 2020 (Fortune, 2020) (Figure 6.2.1).

Figure 6.2.1 Revenu mondial du traffic aérien avec passagers en milliards de CAD

Source : Statista, 2022

Le nombre annuel de passagers pris en charge par les aéroports a aussi diminué significativement, passant de 4,5 milliards à 1,7 milliard entre 2019 et 2020 (Figure 6.2.2).

Figure 6.2.2 Évolution du traffic aérien en millions de passagers pris en charge entre 2000 et 2022

Source : OACI, 2022

De leur côté, les compagnies aériennes du monde entier enregistrent un chiffre d’affaires d’environ 530 milliards de dollars canadiens, alors que celui-ci était d’environ 1 060 milliards de dollars canadiens avant l’arrivée de la COVID-19 (Dutheil, 2020b). L’International Air Transport Association (IATA) annonçait que les gouvernements devraient venir en aide à celles-ci afin d’empêcher leur disparition (Dutheil, 2020a). À la suite de cette annonce, le gouvernement américain a injecté environ 220 milliards de dollars canadiens dans le secteur de l’aéronautique (AFP, 2021). Le gouvernement canadien a accordé, quant à lui, une aide beaucoup moins élevée, notamment à travers un programme qui implique que les compagnies aériennes paient le reste du salaire de leurs employés, même si leurs revenus sont presque inexistants. Selon Mehran Ebrahimi, directeur de l’Observatoire International de l’Aéronautique et de l’Aviation Civile (OIAAC), cela « ne convient pas à la réalité de ce secteur » et « placera les entreprises québécoises à la merci des compagnies américaines ou européennes qui, elles, ont été aidées par leurs gouvernements » (Meloche-Holubowski, 2020). En 2021, le gouvernement fédéral a ainsi décidé d’accorder 1,75 milliard de dollars sur sept ans au secteur de l’aéronautique. François-Philippe Champagne, ministre canadien de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, annonce que ce montant devrait se transformer en un investissement allant jusqu’à 10 milliards de dollars afin de permettre à l’industrie aéronautique québécoise de conserver son statut de chef de file mondial et sa force d’attraction de talents et d’investissements. Cela permettra entre autres aux entreprises d’innover tout en commençant, comme le secteur automobile, le fameux virage vers l’électrique (Décarie, 2021).

Visite d'Air Canada

Pendant la pandémie, certaines entreprises ont dû revoir leurs modèles d’affaires : ce fût le cas d’Air Canada. Afin de répondre à la demande grandissante de vols de marchandise et par le fait même de permettre à leurs appareils cloués au sol de voler à nouveau, la compagnie a modifié la configuration de certains avions de ligne en retirant des bancs passagers, créant ainsi plus d’espace pour le fret aérien. Le 5 juillet 2021, la compagnie soulignait son 10 000e vol d’avion-cargo (Air Canada, 2021)!

DES PROGRÈS POUR LA SÉCURITÉ: ET SI LE VIRUS AVAIT AUSSI DES AVANTAGES?

La gestion la plus controversée de cette crise sanitaire fut sûrement la décision de certaines compagnies aériennes européennes d’autoriser plusieurs vols à vide. Ceci est dû à une loi obligeant les compagnies à utiliser 80% de leurs créneaux de vols pour pouvoir les conserver. Cette règle stipule cependant que cela ne s’applique pas en cas de fermeture partielle ou totale du marché. Ainsi, plus de 100 000 vols à vide ont eu lieu, générant environ 2,1 millions de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre (GES), soit autant que 1,4 million de voitures en un an (Lautre, 2022). Cette catastrophe écologique a donc été provoquée par un conflit opposant les compagnies et les aéroports concernant la négociation des lois qui les encadrent. Cet événement rappelle la place encore trop peu importante qu’occupe l’environnement versus l’économie dans le développement de notre société.

LA MAIN D'OEUVRE: UNE HISTOIRE DE CYCLE?

La pénurie de main-d’œuvre est un défi qui a un impact majeur sur la plupart des secteurs de l’industrie et le secteur de l’aéronautique n’y fait pas exception. Cette situation a été exacerbée depuis l’arrivée de la pandémie de la COVID-19 et les nombreux licenciements liés aux difficultés financières des entreprises qui s’en sont ensuivis. Elle s’est notamment manifestée au cours de l’été 2022 dans les aéroports où de nombreux vols ont été annulés ou retardés et où plusieurs bagages ont été égarés ou perdus. Ce cafouillage s’explique entre autres par la perte, en six mois, de la totalité des postes créés entre 2009 et 2019 (Dutheil, 2020b), dont de la main-d’œuvre spécialisée et rare (Venne, 2021). La COVID-19 n’est pourtant pas la cause principale de ce problème, loin de là. La pénurie de main-d’œuvre est depuis des années un enjeu dans ce secteur. Les postes sont réputés comme complexes, peu stables et les conditions de travail souvent désagréables conduisent au surmenage. Ces aspects rendent ce secteur de moins en moins attractif et cela se traduit par un taux de fréquentation faible dans les écoles. L’École nationale d’aérotechnique (ENA) et l’École des métiers de l’aérospatiale de Montréal (EMAM) ne sont occupées qu’à 50 % de leur capacité (Allard, 2021). Pourtant, il y a 10 ans, le taux de recrutement était croissant à la suite de la crise financière de 2009. Cela témoigne du caractère cyclique du secteur de l’aéronautique, autant au Québec que sur la côte ouest nord-américaine (AeroMontreal, 2014).

UN ATTERRISSAGE EN DOUCEUR

Bien que l’impact de la crise sanitaire de la COVID-19 soit majeur, le secteur de l’aéronautique a pu se relever grâce au soutien des différents gouvernements. Le secteur a par ailleurs bénéficié de progrès majeurs encouragés par la situation critique entourant la COVID-19, notamment dans le secteur de la sécurité des usagers. Cependant, d’autres problèmes persistent, tels que la question de la place du développement durable dans cette industrie, mais également la problématique de l’instabilité du marché où la main-d’œuvre varie de façon cyclique. La COVID-19 laissera des traces, cela est certain, mais l’industrie s’en remettra. L’atterrissage pourrait-il être plus doux que prévu?

K. Pilcher

Conquête de l'espace : vers l'infini et plus loin encore

Chloé Blais-Lemelin

L’alunissage de la mission Apollo 11, le télescope Hubble, la découverte de glace sur Mars, la confirmation de la théorie d’Einstein sur les ondes gravitationnelles…

Ces avancées marquantes de l’exploration spatiale ont permis à l’humanité de répondre à plusieurs questions entourant ses origines et celles de l’Univers. Pour être au cœur de ces découvertes, les agences spatiales du monde entier se lancent alors dans une course effrénée à l’exploration de l’espace, impliquant des dizaines d’années de travail et d’exorbitantes sommes d’argent.

LE BUT DES MISSIONS D'EXPLORATION

Jusqu’à très récemment, l’exploration spatiale se limitait à ce que les astronomes pouvaient observer depuis la Terre. Ce n’est que depuis les dernières décennies que les humains ont pu commencer à explorer physiquement l’espace. L’exploration spatiale est primordiale pour aider l’humanité à mieux comprendre les origines de son existence par des découvertes scientifiques très variées. Elle permet aussi une croissance économique et technologique en plus d’améliorer la qualité de la vie des gens sur Terre. En effet, ce secteur d’activité permet d’accéder plus rapidement à des technologies de pointe créées directement pour des missions spatiales : par exemple, de nouveaux procédés de propulsion et de maintien en place de satellites développés par la NASA profiteront aux satellites commerciaux en orbite autour de la Terre, rendant leur utilisation plus fiable et aussi plus économique en carburant (Doyen, 2013).

D’un point de vue économique, le secteur spatial emploie énormément de gens, autant au Canada qu’aux États-Unis. En 2019, environ 10 000 travailleurs canadiens hautement qualifiés étaient employés à travers le pays comme scientifiques, ingénieurs, astronomes et dans beaucoup d’autres fonctions (Premier ministre du Canada, 2019). Aux États-Unis, la National Aeronautics and Space Administration comptait, à elle seule, près de 17 000 travailleurs. Le Bureau of Labor Statistics (BLS) prévoit d’ailleurs, entre 2014 et 2024, une croissance de plusieurs milliers, voire de centaines de milliers d’emplois dans ce secteur toujours en expansion (Angeles & Vilorio, 2016).

À LA DÉCOUVERTE DE L'ESPACE LOINTAIN

L’espace lointain représente la région infinie qui se situe à l’extérieur de l’atmosphère de la Terre. Il est le sujet de nombreuses interrogations : sommes-nous seuls? D’où venons-nous? Que deviendrons-nous? Les premières missions d’exploration comme Voyager ont lancé le bal afin de trouver des réponses à ces questions. Lancées en 1977 par la NASA, les sondes Voyager 1 et 2 sont maintenant sorties de notre système solaire et devraient communiquer avec la Terre jusqu’en 2025. Elles ont permis de découvrir de nouvelles caractéristiques entourant les planètes de notre système solaire, comme de nouvelles lunes autour de Jupiter et de Saturne, ainsi que des particules et des ondes provenant de l’espace interstellaire qui n’ont jamais été affectées par les effets gravitationnels et magnétiques de notre Soleil (NASA, s.d.).

Plus récemment, le télescope Hubble, lancé en 1990, a permis aux astronomes d’effectuer plus de 1,5 million d’observations sur l’Univers et de publier près de 19 000 papiers scientifiques revus par les pairs et portant sur diverses découvertes (Belleville, 2019). Le télescope James Webb, considéré comme étant le successeur de Hubble, a aussi été lancé en 2021: beaucoup plus performant, ce dernier permet de remonter encore plus loin en arrière dans l’histoire de l’Univers (Tableau 6.3.1) (NASA, s.d.).

Tableau 6.3.1 - Comparaison entre les télescopes spatiaux Hubble et James Webb

Source : ASC, 2022

Les longueurs d'onde

Pourquoi la notion de longueur d’onde est-elle importante lorsqu’il est question de télescope? Dépendamment des instruments dont est équipé chacun des télescopes, ces derniers ne peuvent capter qu’une gamme spécifique d’images. Pour le télescope James Webb, le passage à l’infrarouge s’imposait : les étoiles et les planètes naissantes se cachent derrière des nuages de poussière absorbant toute lumière visible (NASA, s.d.). Ce progrès démontre l’importance de l’optique pour les missions d’exploration spatiale.

Les années écoulées entre les deux lancements effectués par la NASA et le grand intérêt de la communauté scientifique envers l’exploration de l’espace lointain ont permis au télescope James Webb de bénéficier grandement, et à moindre coût, des avancées technologiques de l’aérospatiale. Le but, avec ces télescopes, est d’en apprendre plus sur nos origines et ultimement, de découvrir de nouvelles formes de vies extraterrestres. Comme le dit Chris McKay, scientifique planétaire à la NASA : « Si nous trouvions un autre exemple de vie indépendant de la vie sur Terre, nous saurions que le nombre de formes de vie dans l’Univers est d’au moins deux. Et si c’est deux, ce sont des milliards et des milliards » (Knight, 2021).

HABITER DANS L'ESPACE

Dans un futur pas aussi lointain qu’il pourrait sembler, des communautés entières pourraient résider en permanence dans l’espace, sur Mars ou sur la Lune, par exemple. Alors que le programme Apollo subissait une énorme pression beaucoup plus politique que scientifique, impliquant une course pour l’espace entre les gouvernements américain et soviétique, Artemis est réellement une mission d’exploration en plusieurs phases qui vise à garder une occupation plus permanente sur la Lune. Elle permettra d’envoyer la première femme et la première personne de couleur sur la Lune, en plus d’y construire des bases et des avant-postes afin de constituer la première de son genre dans l’espace. Elle ouvrira ainsi la porte aux voyages habités encore plus éloignés, ce qui n’avait jamais été possible auparavant (Space Center Houston, 2021). Les avantages d’Artemis sont nombreux, et ce, pour une fraction du prix d’Apollo ajusté pour l’inflation (Tableau 6.3.2) (Carter, 2020).

Tableau 6.3.2 - Comparaison des programmes Artemis et Apollo

Source : ASC, 2022

Apollo versus Artemis

Le programme Apollo est né en 1960. Il aura toutefois fallu attendre la mission Apollo 11 avant de voir les premiers humains se poser et marcher sur la Lune, le 20 juillet 1969. C’est d’ailleurs à ce moment que l’astronaute Neil Armstrong a prononcé sa célèbre phrase : « C’est un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’humanité ». Le programme Artémis représente l’Apollo de notre génération et promet plusieurs découvertes très excitantes sur notre Lune, comme la possible présence d’eau, qui pourrait ensuite être transformée en carburant pour permettre des missions plus longues et plus loin dans l’espace.

Finalement, il faut savoir que l’exploration spatiale est le fruit de la collaboration entre les agences spatiales du monde entier. Par exemple, la station spatiale lunaire Gateway, qui fait partie du programme Artémis, recevra le Canadarm-3, conçu par l’Agence spatiale canadienne, qui entretiendra de manière autonome la station lorsque celle-ci sera inoccupée (ASC, 2019). Sans cette collaboration, aucun de ces projets n’aurait pu être mené à terme.

NASA

Space 2.0 : la privatisation de l'espace

Kévin Lacasse

Avec le lancement du premier satellite, en 1957, et alimenté par la guerre froide, les gouvernements russe et américain s’étaient engagés dans une course contre la montre pour la conquête de l’espace. Ils ont toutefois réduit leur implication après l’apogée du programme américain Apollo où douze astronautes ont marché sur la Lune (NASA, s.d.).

Ce manque d’implication contribuera toutefois largement à l’avènement du secteur privé dans les activités spatiales commerciales, ce que plusieurs qualifient de Space 2.0. Avec des investissements globaux qui totalisaient 454 milliards CAD en 2019, cette nouvelle période marque ainsi le début de l’hégémonie du secteur privé dans l’espace (Peeters, 2021).

AVANT, C'ÉTAIT LE GOUVERNEMENT

Comme c’est le cas dans la plupart des grandes avancées technologiques, les premiers investisseurs et principaux intéressés sont majoritairement les gouvernements. À mesure que ces technologies se démocratisent, des applications commerciales sont développées et mises sur le marché. L’utilisation de l’espace suit elle aussi ce principe. Pour mettre en lumière cette évolution, une analogie peut être faite avec le secteur aéronautique du début du XXe siècle. En 1911, l’humanité assiste pour la première fois à l’utilisation massive des avions à des fins militaires lors de la guerre italo-turque (Air Warfare | Britannica, s.d.). Huit ans plus tard, la Farman Company offrait les premiers vols commerciaux par l’entremise d’un avion militaire reconverti (Britannica, s.d.). Rappelons que cet exploit s’est accompli seulement seize ans après le premier vol des frères Wright.

L’évolution du secteur privé dans l’espace peut être divisée en trois grandes phases. La première phase fut amorcée avec la Loi nationale sur l’aéronautique et l’espace de 1958 et subséquemment, avec la création de la NASA (National Archives, s.d.). Motivée par le prestige national et en réponse au lancement d’un premier humain dans l’espace par l’Union soviétique, cette période a vu naître le programme Apollo. Conséquemment, le budget alloué à la NASA à cette époque a suivi une ascension prononcée pour atteindre 4,41 % du budget fédéral (Rogers, 2010), soit près de dix fois l’équivalent de son budget actuel situé à 0,5 % (NASA’s FY 2020 Budget, s.d.). La NASA ne pouvant tout faire par elle-même, cette soif de conquête a mené à l’effervescence de nombreuses industries, bâtissant sur ce même élan un riche savoir-faire. Cette montée en puissance fut toutefois brève, puisque le budget alloué aux activités de la NASA connaîtra une chute dramatique de 83 % entre 1966 et 2000 (Figure 6.4.1). Cette baisse plus que notable s’explique entre autres par la fin du programme Apollo et le ralentissement de la guerre froide, au début des années 1970.

Figure 6.4.1 - Pourcentage du budget de la NASA comparé au budget fédéral entre 1958 et 2000

Source : Rogers, 2010

La seconde phase de l’évolution du secteur privé a débuté vers la fin des années 1970. À cette époque, les entreprises œuvrant dans le secteur aérospatial se trouvaient face à un marché en déclin. Cette période fut témoin de grands changements dans l’industrie, où de nombreuses compagnies toujours actives aujourd’hui ont eu à fusionner entre elles pour survivre. Propulsées au début des années 1980 par d’importants contrats tels que le programme de satellites de télécommunication militaires Milstar, ou encore le programme Navstar GPS, l’actuel service de géolocalisation américain, tous deux évalués à plus de 31 milliards CAD, ces dernières ont connu un second souffle en ce qui a trait à leurs activités commerciales (Peeters, 2021). Fortes de ces contrats lucratifs et poussées par des avancées technologiques qui les mènera à de nouvelles opportunités, ces entreprises autrefois aux crochets du gouvernement ont tranquillement commencé à investir dans des projets risqués au sein d’un marché en pleine expansion.

La troisième phase de l’évolution du secteur privé s’est amorcée vers les années 2000. S’éloignant du modèle « classique » où les entreprises privées vivaient au gré des contrats gouvernementaux, celles-ci ont su développer leurs propres modèles d’affaires. Le Space 2.0 se caractérise d’ailleurs par la poursuite d’objectifs non gouvernementaux. Celles-ci étant balisées par les forces du marché, les entreprises de ce secteur s’engagent alors dans des activités entrepreneuriales, expérimentant avec des innovations de ruptures, le tout alimenté par des fonds privés et soumis à la pression du risque (Davidian, 2020).

VITESSE GRAND V

Prenant place à l’arrivée du XXIe siècle, mais principalement depuis le début de la dernière décennie, les économies d’échelles furent le principal moteur de développement des entreprises privées. Pour rendre l’espace plus accessible, les coûts associés au lancement d’objets spatiaux devaient diminuer de façon significative. En 2006, envoyer 1 kilogramme de matériel en orbite terrestre basse, là où la quasi-totalité des satellites se trouve, coûtait 14 825 CAD (Reichhardt, 2006). En 2018, en revanche, ce même kilogramme ne coûtait que 3 340 CAD, soit une diminution de 77 % (NASA Technical Reports Server, s.d.). Cette importante réduction de coût s’explique en partie par la mise en service des lanceurs orbitaux réutilisables de la Space Exploration Technologies Corporation, une compagnie américaine mieux connue sous le nom de SpaceX. La période de 2015 à 2021 a vu le nombre de lancements de SpaceX augmenter de 533 %, passant de 6 à 32 lancements annuellement, toujours pour la même période (Federal Aviation Administration, s.d.). L’espace, désormais plus accessible que jamais, il est intéressant d’observer la part de revenus des secteurs privés et publics dans l’économie de l’espace. En 2019, les revenus accaparés par le secteur privé représentaient 81 % des 244 milliards CAD de revenus totaux du secteur spatial américain (Highfill et al., s.d.). Un constat similaire peut être fait du côté canadien, ou près de 90 % des 5,5 milliards CAD de revenus provenait du secteur privé (Figure 6.4.2) (Agence spatiale canadienne, 2022).

Figure 6.4.2 Provenance en pourcentage des revenus du secteur spatial en 2019

Source : ASC, 2022

À titre de rappel, notons que la part de revenus du secteur privé était très faible jusqu’au début des années 1980. Si atteindre l’espace ne représente plus les mêmes défis qu’autrefois, d’autres facteurs peuvent expliquer la tendance à la privatisation. Des 194 lancements de fusées qui ont été autorisés entre 2015 et 2021 par la Federal Aviation Administration des États-Unis (FAA), 42 % étaient destinés aux lancements de satellites de télécommunications et d’observation de la Terre (Figure 6.4.3) (Federal Aviation Administration, s.d.).

Figure 6.4.3 - Proportion du type de satellites lancés entre 2015 et 2021

Source : Federal Aviation Administration, s.d.

Cette tendance pourrait toutefois s’accentuer au cours des prochaines années. En observant la figure 6.4.4, il est possible de constater que les revenus provenant du secteur des télécommunications au Canada ont suivi un taux de croissance annuel moyen de 0,45 % entre 2015 et 2019 pour atteindre plus de 4,5 milliards CAD, soit 83 % des revenus totaux en 2019 (Agence spatiale canadienne, 2022).

Figure 6.4.4 - Revenus du secteur canadien des télécommunications satellitaires en millions CAD

Source : ASC, 2022

Cette tendance à la hausse des revenus de télécommunications satellitaires pourrait s’accentuer dans les prochaines années avec la renaissance des services d’Internet satellitaires, services qui avaient été délestés depuis leur introduction au début des années 2000. En 2018, Starlink a reçu les autorisations nécessaires pour lancer près de 12 000 satellites de télécommunications Internet (Reuters & Shepardson, 2021). Considérant qu’une fusée Falcon 9 peut déployer 47 satellites à la fois (Wall, 2022), cela représente plus de 250 lancements qui auront cours dans les prochaines années. Similairement, Amazon lancera également dans les prochaines années, par l’entremise de son projet Kuiper, 83 fusées qui déploieront une constellation de 3 236 satellites de télécommunications Internet (Federal Communications Commission, 2019). Bien que ces deux exemples puissent paraître importants, d’autres projets de constellations sont à l’étude. Ces projets, comme beaucoup d’autres, auront des retombées importantes sur le secteur aérospatial canadien et américain, comme le rapporte ABB Québec (ABB Québec, 2022) qui, à peine installée depuis 2017, est à même de construire une seconde usine de fabrication pour soutenir les demandes du marché en matière de satellites.

Visite de ABB Québec

La reprise marquée des activités économiques en orbite terrestre basse, au cours des dernières années, se fait sentir dans plusieurs secteurs économiques, en particulier dans le secteur manufacturier de pointe. ABB Québec, division spécialisée dans les systèmes satellitaires de son homologue suédois, a récemment obtenu un important contrat de plus de 30 millions CAD de l’entreprise canadienne EarthDaily Analytics Corp. (EDA) pour le développement et la fabrication de satellites d’observation de la Terre (ABB, 2022).

L'espace au service des Québécois

L’accès à l’Internet haute vitesse dans les régions éloignées ou difficiles d’accès est un véritable enjeu économique pour certains pays comme le Canada. Avec son service d’Internet satellitaire Starlink, la compagnie SpaceX inclut cette réalité dans son modèle d’affaires. Le gouvernement québécois a d’ailleurs saisi cette opportunité et a annoncé le 9 mai 2022 que 10 000 foyers situés en régions éloignées seront reliés au service Starlink le 30 septembre 2022 (Cabinet du premier ministre, 2022). Un autre signe que ce genre de service pourrait prendre beaucoup d’ampleur dans les prochaines années.

Le syndrome de Kessler (ou le dépotoir de l'espace)

Les satellites ont une durée de vie limitée, ne serait-ce qu’en raison de leurs réserves de carburant nécessaires pour rester en orbite. Si les satellites les plus récents sont désorbités lorsque leur durée de vie utile est atteinte, les plus anciens, eux, peuvent rester des décennies dans l’espace avant de retourner dans l’atmosphère. Ceux-ci deviennent ce qu’on appelle des « débris spatiaux ». À ce jour, plus de 36 500 débris ont été recensés (European Space Agency, 2022). Ce nombre pourrait cependant augmenter drastiquement avec l’ajout des 42 000 satellites et plus que SpaceX prévoit mettre en orbite prochainement (Mann et al., 2022).

L'AVENIR NOUS LE DIRA

Bien qu’une constellation de satellites comme celles de Starlink ou de Kuiper renforce la position des entreprises privées dans l’économie de l’espace, l’horizon des projets spatiaux pourrait devenir de plus en plus diversifié au cours des prochaines décennies. L’économie spatiale mondiale qui se situe actuellement à près de 428 milliards CAD (Peeters, 2021) est appelée à tripler pour atteindre 1 261 milliards CAD en 2040 (Weinzierl, 2018). L’un des secteurs prometteurs pour cette économie en effervescence est celui du tourisme spatial. À l’heure actuelle, trois entreprises ayant envoyé des touristes dans l’espace en 2021 convoitent ces parts de marchés : Blue Origin, SpaceX et Virgin Galactic. Selon de récentes projections, ce marché pourrait atteindre plus de 2 milliards CAD en 2027 (Business Wire, 2021). Cependant, le tourisme spatial à lui seul ne suffira pas à alimenter les prédictions pour 2040. Pour atteindre ces chiffres, plusieurs sources évoquent les activités dites « cislunaire », à savoir les activités économiques prenant place entre l’orbite terrestre et celle de la Lune. Plus particulièrement, il est question de production manufacturière de masse (Kuerten, 2019), de stations spatiales privées à des fins des recherches et de développement, comme celles que prévoit construire l’entreprise américain Axiom (Axiom, s.d.), ou encore des opérations de minage d’astéroïdes (Kulu, 2021). Ce ne sont ici que quelques exemples de ce que l’économie spatiale pourrait nous réserver dans les décennies à venir.

NASA

Les retombées de l'exploration spatiale

Chloé Blais-Lemelin

Depuis les premiers lancements de missions habitées, l’amélioration des conditions de vie des astronautes est toujours restée au cœur des mandats des diverses agences spatiales. Différentes innovations réalisées pour répondre à ces besoins précis ont pu ensuite trouver leur utilité sur Terre et faciliter la vie de plusieurs millions de gens.

LES RETOMBÉES SPATIALES AU SERVICE DE L'HUMANITÉ

Les astronautes de la Station spatiale internationale ont été de vrais cobayes en matière d’avancées liées au domaine de la médecine. En effet, la distance les séparant de soins directs a poussé l’industrie à améliorer les services de télémédecine (ASC, 2021), qui profitent aujourd’hui à énormément de gens, surtout en situation de pandémie. De plus, les observations réalisées sur les astronautes à bord de la Station spatiale internationale ont pu être faites beaucoup plus rapidement que si elles avaient été effectuées sur Terre, étant donné un vieillissement accru du corps humain en orbite (ASC, 2015). La médecine ici-bas s’en est trouvée ainsi grandement améliorée.

L'espace dans nos poches

Utilisée tous les jours par une grande majorité des gens, cette invention conçue au départ pour l’exploration spatiale pourrait surprendre : il s’agit de la caméra numérique. Cette technologie qui a permis aux astronautes de la mission Apollo de rapporter de magnifiques images de la Lune est maintenant accessible à tous. Aujourd’hui, une caméra de cellulaire sur trois utilise la technologie originalement pensée par la NASA dans les années 1960 (Chow, 2011).

Au Canada, plusieurs autres inventions ont été créées afin de répondre aux besoins de santé des astronautes : lors d’une visite à l’Institut national d’optique (INO) de Québec, le cytomètre de flux MicroFlow a été présenté. Cet appareil automatisé et transportable permet de diagnostiquer les maladies infectieuses in situ (INO, 2012) à partir d’échantillons et il pourrait déjà être utilisé sur Terre dans les communautés plus éloignées. Le Canadarm2 a aussi inspiré plusieurs retombées comme le Modus V de Synaptive Medical, un bras robotisé capable d’effectuer des chirurgies (Gouvernement du Canada, 2018). Le satellite RADARSAT permet aussi à des pays en développement de surveiller les maladies à transmission vectorielle (Thirsk, Kuipers, Mukai & Williams, 2009). Finalement, diverses inventions de la NASA comme la mousse-mémoire et les lentilles résistantes aux égratignures, très utiles pour améliorer le confort des astronautes, ont trouvé leurs places dans les foyers partout dans le monde.

Visite de l'Institut national de l'optique (INO)

L’INO permet de commercialiser et d’appliquer à la vie de tous les jours les projets de recherche en optique auxquels il participe; cela s’appelle l’innovation translationnelle. En créant plus de 2 000 emplois, l’INO aide des entreprises des secteurs aérospatial, biomédical, environnemental, agroalimentaire, militaire et sécuritaire à contribuer à l’économie.

LES SATELLITES: UTILES À L'ENVIRONNEMENT

La surveillance de la météo et la protection de l’environnement sont elles aussi au cœur des objectifs qui motivent le lancement de satellites en orbite autour de la Terre. Les satellites météorologiques permettent la récolte de beaucoup de données : progression des glaciers, propagation de la fumée liée aux feux de forêt, pollution atmosphérique, prédictions de différents phénomènes en lien avec la température (insectes nuisibles, épidémies, gel, etc.). La surveillance des émissions de gaz à effet de serre est aussi possible grâce à la technologie de GHGSat, un pionnier de la surveillance satellitaire (GHGSat, s.d.). Ces observations sont faites en haute résolution et permettent à leurs clients d’améliorer leur empreinte écologique.

Visite de GHGSat

L’entreprise montréalaise GHGSat se démarque de ses concurrents grâce à ses microsatellites : ces derniers permettent la détection des fuites de méthane provenant de sources encore plus petites que celles que peuvent détecter les satellites scientifiques existants (Gouvernement du Canada, 2022). Ce gaz étant 84 fois plus polluant que le CO2, une localisation précise et rapide de ces émissions est primordiale afin de satisfaire les besoins écologiques de ses clients.

LA NASA ET L'ASC : COMPARAISON

La comparaison des budgets de l’Agence spatiale canadienne (ASC) et de la National Aeronautics and Space Administration (NASA) permet de mieux comprendre les écarts de retombées entre les États-Unis et le Canada. En effet, le gouvernement canadien accorde une part de budget beaucoup plus faible à son secteur aérospatial, ce qui fait en sorte que la NASA profite d’un budget 100 fois plus important (NASA, 2022) que celui de l’ASC (Figure 6.5.1) (ASC, 2019, 2020, 2021, 2022). Cela s’explique en partie par une population plus importante et donc un budget global plus important, grâce aux impôts, mais également par la nature des projets effectués par la NASA et l’ASC.

Figure 6.5.1 - Comparaison des budgets de l'ASC et de la NASA (en millions de CAD)

Note: Les taux de conversion utilisés sont de 1,2535 (2021) et 1,2942 (2022-2023) (Banque du Canada, 2022).
Sources : ASC, 2022 ; NASA, 2022

Selon Mehran Ebrahimi, directeur de l’Observatoire de l’Aéronautique et de l’Aviation Civile (OIAAC), l’ASC collabore sur de nombreux projets, mais ne pourrait pas être propriétaire d’un projet complet de lancement comme l’est si souvent la NASA. Cela fait en sorte que l’ASC est souvent spécialiste dans des domaines très spécifiques, comme les satellites. La NASA est aussi très réputée pour ses retombées : chaque année, elle publie un livre intitulé Spinoff portant sur 50 innovations. Elle réalise aussi près de 2 200 découvertes scientifiques chaque année qui peuvent être transmises à des entreprises intéressées à les commercialiser. Une estimation permet de dire qu’environ 1 million USD de revenus par année pour ces compagnies sont attribuables aux découvertes de la NASA (NASA, 2013).

UN IMPACT MARQUANT

Finalement, ces nombreuses retombées au service de l’humanité et de l’environnement permettent de renouveler l’intérêt et l’engouement du public envers les industries qui les soutiennent et ainsi, créer de nouveaux emplois tout en bonifiant les connaissances et le confort. Bien que l’écart entre les budgets et l’attention que portent les gouvernements provinciaux et fédéraux des deux pays à l’étude soit notable, l’impact que le secteur aérospatial a sur la vie de tous les jours est indéniable, autant au Canada qu’aux États-Unis.

NASA

Synthèse

Frappé de plein fouet par la crise sanitaire, le secteur de l’aérospatiale redémarre progressivement et se tourne vers l’avenir. Les grandes entreprises se concentrent sur les perspectives à venir en intégrant au mieux les notions du développement durable. La conquête de l’espace connaît une période charnière entre la privatisation progressive des projets et leur diversification constante. Ce climat permet de nombreux avancements dans l’industrie où règne l’innovation, ce qui profite grandement à plusieurs aspects du quotidien.