Linda Chau
Maxime Thelliez
Shirley Bille

MULTIMÉDIA

Le streaming, la révolution du 7e art
Du film au jeu vidéo : entre innovation et amélioration du milieu de travail
Essor du jeu vidéo : un niveau supérieur débloqué?
Abolition des frontières entre la réalité et le virtuel

Alors que l’économie mondiale connaissait une crise dont les conséquences demeurent omniprésentes, le secteur du multimédia, lui, a su tirer profit de la pandémie. Isolés chez soi, les gens attendaient inlassablement la fin des confinements. Pour faire passer le temps, plusieurs se sont réfugiés dans les mondes imaginaires des films et séries, ou ont trouvé un médium d’interactions sans contact par les jeux vidéo. Pôles mondiaux de ces deux industries, le Québec et la côte ouest nord-américaine ont connu, au cours des dernières années, des avancées tout en rencontrant aussi des fiascos.

Le streaming, la révolution du 7e art

Maxime Thelliez

La pandémie a modifié les habitudes de vies des gens en les amenant à se tourner vers des sources de divertissements plus solitaires. En effet, environ 50 % des Américains ont affirmé regarder plus de films qu’avant la crise sanitaire (Statista, s.d.).

Au cours de cette période, les sites de streaming comme Netflix, Amazon Prime Video, ou plus récemment Disney+, ont changé la façon dont la société consomme les divertissements numériques. Au Québec, plus de la moitié des foyers détiennent un abonnement à l’une ou l’autre de ces plateformes. Dans l’ère post-télévision, celles-ci ont désormais la mainmise sur l’industrie cinématographique, produisant elles-mêmes de plus en plus de contenu grâce aux sommes vertigineuses que rapportent les abonnements. Parallèlement, les grands studios de cinéma quittent leur terre natale d’Hollywood pour aller s’installer dans des régions économiquement plus attrayantes. L’industrie du cinéma vit actuellement une véritable transformation.

Historiquement, la variété des paysages environnants et le climat favorable ont fait de Los Angeles une terre d’accueil idéale pour les studios de cinéma. C’est d’ailleurs là qu’opère le « Big Five », représentant les cinq plus gros joueurs qui dominent la scène mondiale : Disney, Paramount, Sony, Universal et Warner Bros (Navarro, 2021). Mais la Californie perd doucement ce statut monopolistique.

DES PROBLÈMES INTRINSÈQUES

Cet exode des studios est la conséquence de multiples facteurs. Au niveau économique, le salaire minimum de la Californie est le troisième plus élevé aux États-Unis, ce qui force les studios à payer au prix fort leur main-d’œuvre (U.S. Department of Labor, 2022). Parallèlement, le prix de l’immobilier et la législation fiscale sont tels, que plus de la moitié des habitants de l’État souhaite le quitter (Affairs & Berkeley, 2019).

CONCURRENCE DES AUTRES RÉGIONS

Avec des exigences moins strictes en matière de contrats professionnels, de syndicats ou de taxation, la Géorgie, la Louisiane ou encore le Canada représentent des concurrents de taille pour la Californie (Maffessanti, 2020). La principale force de ces nouveaux joueurs est leurs incitatifs fiscaux : grâce aux subventions, mais surtout aux exemptions fiscales, ces régions apparaissent comme des paradis pour les compagnies de production. C’est notamment le cas pour le Québec qui, en plus d’être reconnu pour sa main-d’œuvre qualifiée, offre des crédits d’impôt pouvant s’élever jusqu’à 32,8 % (CAN-QC Film Tax Credits and Incentives, s.d.). Et ces incitatifs semblent fonctionner! Comme le démontre le tableau 5.1.1, l’État de Géorgie, l’Angleterre et le Canada sont passés devant la Californie en termes de nombre de films produits.

Tableau 5.1.1 - Nombre de films au Top 100 des États-Unis produits par région

Source : FilmLA, 2018

Et c’est également le chemin qu’ont choisi d’emprunter les géants du streaming, nouveaux entrants dans l’industrie cinématographique. En 2018, l’entreprise californienne Netflix a acheté des studios à Albuquerque, au Nouveau-Mexique, en profitant, entre 2018 et 2020, de 38,5 millions de dollars US d’aide gouvernementale destinée au développement de ses opérations dans la région.

Visite de Mikros Animation

Installé à Montréal depuis 2010, Mikros Animation a été l’un des premiers studios d’animation à croire au potentiel de la ville à l’égard de cette industrie. Grâce à ses avantages fiscaux convaincants, un taux de change favorable pour les clients américains, et des universités renommées permettant de former leurs futurs talents, le Québec a su attirer la filiale de Technicolor (Delval & Steinlein, 2022).

LE STREAMING SUR LE DEVANT DE LA SCÈNE

Si les spécialistes prévoyaient une lente ascension des plateformes de streaming vers la conquête des consommateurs de films et de séries, la pandémie de COVID-19 leur a prouvé le contraire. Les confinements, dont ceux de Californie, ont attiré les foudres des PDG de la Silicon Valley, alors que les couvre-feux et autres mesures sanitaires se sont révélés être de véritables aubaines pour les sites de streaming qui ont vu le nombre de leurs abonnés grimper en flèche durant ces périodes.

En dehors de l’isolement social, c’est la baisse d’audience des émissions télévisées qui a permis au streaming de dominer l’industrie cinématographique. La moyenne du temps d’écoute quotidienne des foyers américains a en effet diminué de 270 à 219 minutes entre 2013 et 2020 (Figure 5.1.1), avec une légère augmentation en 2021 qu’explique la pandémie. Comparativement, le nombre d’abonnés de Netflix s’est multiplié par quatre durant cette même période. Mais malgré son ascension fulgurante, la plateforme de streaming a fait part en 2021, et pour la première fois de son histoire, d’une diminution dans la croissance de son audience. Tout porte à croire que la forte concurrence du milieu et la difficulté à renouveler son offre de service en sont la cause.

Figure 5.1.1 - Évolution du nombre d'abonnés Netflix et du temps quotidien passé devant la télévision

Sources : StatInvestor, 2022; The NPD Group, 2021

Au Québec, le temps d’écoute journalier des émissions télévisées était d’environ 300 minutes en 2011, contre 265 minutes en 2020, ce qui traduit, à un niveau plus élevé, la même tendance qu’aux États-Unis (Centre d’études sur les médias, 2022). Les foyers canadiens se tournent désormais vers la consommation de contenus en ligne. En 2020, pas moins de 23 millions de Canadiens affirment consommer régulièrement des contenus en streaming, contre 15 millions en 2017 (Vividata, 2021). Dans les provinces anglophones, la proportion d’abonnés à ces services se situe autour de 56 % comparativement à 41 % au Québec. Le comportement réfractaire des Québécois vis-à-vis du streaming et leur consommation plus importante de la télévision s’expliquent en majeure partie par l’âge de la population, qui figure parmi les plus âgées au Canada et aux États-Unis (Statista, 2019).


DE LA DIFFUSION À LA CRÉATION DE CONTENU

En dehors de leurs vastes catalogues cinématographiques – Amazon Prime Video propose jusqu’à 24 000 films – ou de leurs systèmes de recommandation optimisés grâce à l’intelligence artificielle, les plateformes de streaming attirent de plus en plus les auditeurs grâce aux contenus originaux qu’elles diffusent (Perry, 2021; Steck et al., 2021). La production de la série House of Cards par Netflix, en 2013, a notamment lancé ce mouvement, suivi de près par la production de films. Cette étape a profondément modifié les traditions en matière de consommation : les salles de cinéma ont tout simplement disparu du cycle de vie de ces productions à gros budget. Comme l’illustre la figure 5.1.2, les films diffusés directement en streaming sont en nette augmentation depuis 2019, ce qui remet en question l’avenir des cinémas.

Figure 5.1.2 - Évolution du nombre de films sortis directement en streaming

Source : VOD Catalog Insights Report - Reelgood for Business, s.d.

Outre le streaming, la pandémie a elle aussi été dévastatrice pour les cinémas. Le box-office États-Unis/Canada de 2020, s’élevant à 2,2 millions USD, a connu une baisse de 80 % par rapport à 2019 où il atteignait 11,4 millions USD (MPA, 2021). Avec un retour en présentiel encore hésitant chez les cinéphiles, plusieurs cinémas californiens ont été obligés de fermer définitivement leurs portes (Jones, 2021). Malgré l’aide gouvernementale, l’avenir du cinéma traditionnel se profile avec beaucoup d’incertitudes.

Visite de Netflix

La politique de diffusion, au cinéma, des productions originales de la plateforme de streaming relève davantage d’une contrainte légale que d’un engagement artistique. Pour se soumettre aux exigences des festivals comme celui de Cannes ou de Venise qui attribuent chaque année de prestigieuses distinctions pour les œuvres du 7e art, Netflix affiche certains de ses films durant trois semaines au cinéma, condition nécessaire pour être éligible (Boudreau & Jeannotte, 2022).

NOUVELLES PLATEFORMES, NOUVEAUX COMPORTEMENTS

Si les plateformes de consommation de films et de séries ont changé, c’est également le cas pour les comportements qui s’y rattachent. En 2021, environ trois quarts des Américains ont regardé plusieurs épisodes lors d’une seule séance de visionnage, communément appelé binge-watching (Deloitte, 2017). Les plus aptes à adopter ce mode de visionnement sont les plus jeunes, qui regardent en moyenne cinq heures de contenus successifs. Bien que seulement trois personnes sur dix pensent que le binge-watching est une activité aux conséquences néfastes pour la santé, des études tendent à prouver le contraire. Les principaux sujets abordés sont la dépendance, similaire à celle liée aux jeux vidéo, l’anxiété qui suit une séance de visionnage dont la motivation primaire était de fuir la réalité, ou encore la baisse de motivation dans les études, les sports ou autres activités sociales (Panda & Pandey, 2017; Mintel, 2021).

Outre les aspects négatifs, le binge-watching demeure clairement une composante à prendre en considération dans le modèle d’affaires des plateformes de streaming, puisqu’il fait partie des motivations les plus fréquemment évoquées lors d’une souscription d’abonnement (Mintel, 2021).

N. J. Leclerc

Du film au jeu vidéo : entre innovation et amélioration du milieu de travail

Linda Chau

Avec l’apparition des mouvements sociaux Me Too, Black Lives Matter, Stop Asian Hate et autres, des victimes sont sorties de l’ombre pour dénoncer le sexisme et le racisme qui persistent depuis des années dans certaines industries, dont celles du film et du jeu vidéo.

Les employés croulant sous la pression déplorent la culture du crunch. En 2020, les bureaux se sont vidés pour laisser place au télétravail. Certaines entreprises ont pris ce moment pour revoir leurs façons de faire afin d’améliorer les conditions de travail des employés.

PLACE AUX MINORITÉS

Dans l’industrie du film, l’audience et les gens du milieu déplorent le manque de représentation des minorités visibles et des femmes, que ce soit pour les personnages qui apparaissent sur les écrans ou pour les personnes travaillant derrière la caméra. En effet, seulement 35 % des personnages principaux des films américains les plus rentables en 2021 étaient des femmes, un chiffre qui est resté stable au cours des 20 dernières années (Lauzen, 2021). De l’autre côté de la caméra, seulement 17 % des réalisateurs et de réalisatrices sont des femmes (Statista, s.d.). Sachant qu’une réalisatrice sera plus encline qu’un réalisateur à donner des rôles à des femmes, peut-on conclure qu’en augmentant le nombre de réalisatrices, cela réglerait le problème de parité (Réalisatrices Équitables, s.d.)? Dans la même logique, est-ce en augmentant le nombre de réalisateurs et de réalisatrices appartenant à une minorité visible qu’il deviendrait possible de mieux les représenter?

Quant à l’industrie du jeu vidéo, le harcèlement et la discrimination des minorités visibles et des femmes ne sont plus des secrets bien gardés depuis la médiatisation de plusieurs cas au cours de la dernière décennie (MacDonald, 2022). Le tableau 5.2.1 démontre que la proportion de travailleuses au sein du milieu est inférieure au seuil de 50 % dans toutes les régions citées. Le Canada et le Québec semblent toutefois être plus égalitaires lorsqu'ils sont comparés à notre voisin du sud et au reste du monde.

Tableau 5.2.1 - Répartition des identités de genre dans l’industrie du jeu vidéo

Note: Les astérisques représentent des données indisponibles.
Sources : Entertainment Software Association of Canada & Nordicity, 2021; Statista, s.d.; Zippia, 2021

Aux États-Unis, 71,1 % des développeurs sont blancs, suivis à 11,5 % par les personnes d’origine asiatique, ce qui représente un énorme écart de presque 60 points de pourcentage. Les minorités visibles, toutes origines confondues, ne représentent que moins de 30 % (Zippia, 2021). La sous-représentation des femmes et des minorités visibles ne semble pas être le seul facteur qui freine leur développement professionnel, puisqu’au Québec, la proportion des femmes qui travaillent dans l’industrie du jeu vidéo est quasiment équivalente à celle des hommes. Le plafond de verre semble toujours en place, et il n’y a que 6 % de directrices chez Avalanche Studios (Graft, 2022). De plus, les développeuses y obtiennent un salaire de 8 % moindre que leurs homologues masculins (Zippia, 2021). La majorité des PME canadiennes n’ont pas de plans liés à l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI). Cela pourrait s’expliquer par le fait que les PME n’ont pas assez de ressources pour appliquer ces plans ou ont déjà une équipe assez diversifiée. En général, plus l’entreprise est grande, plus elle accorde de l’importance à l’EDI (Entertainment Software Association of Canada & Nordicity, 2021).

ÉCRASER LA CULTURE DU CRUNCH

Les secteurs du film et surtout des jeux vidéo sont renommés pour la culture du crunch. Le crunch est une période où les employés doivent accomplir de longues heures supplémentaires pour respecter une échéance arrivant bientôt à terme. La culture du crunch est une norme dans l’entreprise, où il est attendu que les employés accepteront régulièrement de travailler des heures supplémentaires pouvant aller jusqu’à 100 heures par semaine (De, 2021). Certaines rumeurs circulent sur la pression et le nombre d’heures de travail auxquels les artistes des effets visuels sont soumis, ce qui a été critiqué (Amidi, 2019).

Malgré les controverses comme dans le monde des effets visuels, de nombreuses raisons poussent les entreprises à adopter la culture du crunch. Les employés investissent plus de temps et d’efforts sur leur travail pour produire un résultat de qualité, ce qui leur permet également de passer plus de temps ensemble et de renforcer la cohésion des équipes. Une mauvaise gestion de projet ou un imprévu peut aussi mener à une période de crunch. Toutefois, si cela arrive constamment, cela signifie que des méthodes de travail sont inefficaces. Parfois, ces heures supplémentaires sont payées, un avantage économique pour les employés, au détriment de leur santé mentale (Willington, 2020). À l’échelle internationale, 74 % des employés de l’industrie des jeux vidéo rapportent qu’ils travaillent 40 heures ou plus par semaine (Figure 5.2.1) (International Game Developers Association, 2021). Ceux qui n’en peuvent plus démissionnent; le tiers des développeurs américains sondés restent moins d’une année à l’emploi (Zippia, 2021).

Figure 5.2.1 - Heures de travail hebdomadaire dans l’industrie internationale du jeu vidéo

Source : International Game Developers Association, 2021

La pandémie a permis aux entreprises d’adopter des mesures innovatrices. Eidos, basé à Montréal et à Sherbrooke, est le premier studio AAA à plonger dans la semaine de quatre jours où les employés travaillent du lundi au jeudi, sans diminution de salaire. Les réunions réduites à 30 minutes se tiennent en matinée pour que chacun puisse se concentrer sur son travail en après-midi (Tison, 2021). Sur la côte ouest nord-américaine, Blackbird Interactive, à Vancouver, et Armour Games, en Californie, emboîtent aussi le pas (Lee, 2022; Sinclair, 2022).

Définition : Studio AAA

L’échelle composée des lettres B, A et AAA est utilisée par les studios pour désigner la prévision des ventes et le budget alloué aux jeux vidéo produits. La note la plus haute, AAA, signifie donc qu’ils ont un budget et des ventes extrêmement élevés (Audureau, 2015).

Visite de Blackbird Interactive

L’entreprise vancouvéroise de développement de jeux vidéo, Blackbird Interactive, a profité de la pandémie pour essayer, pendant trois mois, la semaine de 32 heures avec deux équipes en différentes phases de conception. L’idée a été instaurée pour de bon après un vote unanime des employés ayant participé à la période d’essai (Lee, 2022).

UN NOUVEAU DÉBAT : TÉLÉTRAVAIL OU PRÉSENTIEL

Certains domaines de l’industrie du film se sont mieux adaptés que d’autres à la pandémie. L’animation, la préproduction et la postproduction, tout comme les effets visuels figurent parmi celles-ci. Leur transition aisée remet en question, en Californie, l’utilité de travailler sur place, surtout que les visioconférences ont remplacé les rencontres en personne. Avec les plateaux de tournage fermés, des gens, comme les acteurs, se sont d’ailleurs retrouvés sans emploi. Bref, l’industrie du film a besoin du présentiel pour continuer à rouler, sauf pour l’animation (Roettgers, 2020).

La moitié des entreprises de développement de jeux vidéo ne savent pas encore s’ils réorganiseront ou réduiront les espaces de bureaux après la pandémie. L’autre moitié décide selon la taille de l’entreprise. Comme l’illustre la figure 5.2.2, avant la pandémie, un bureau était normalement attribué à un employé d’une grande entreprise. Puisque les entreprises de ce type se dirigent actuellement vers le mode hybride, elles ne semblent pas vouloir réduire les espaces bureaux, préférant les réorganiser pour offrir des espaces collaboratifs ou des bureaux non fixes. Les petites entreprises ne semblent pas avoir été autant affectées, que ce soit en termes de changements de mode de travail ou de productivité, parce que le télétravail faisait déjà partie de leurs habitudes (Entertainment Software Association of Canada & Nordicity, 2021)

Figure 5.2.2 - Mode de travail selon la taille de l’entreprise de développement de jeux vidéo au Canada

Source : Entertainment Software Association of Canada, & Nordicity, 2021Sources : U.S. Census Bureau, s. d-b.; Hanson, 2022; U.S. Census Bureau et U.S. Department of Housing and Urban Development, 2020.

La pandémie a chamboulé la culture instaurée dans les industries du film et du jeu vidéo. Il n’est plus question aujourd’hui de retourner en arrière, mais plutôt d’avancer avec les nouvelles contraintes pour faire face aux défis. Avec l’expansion que ces deux industries ont connue, il est crucial d’améliorer les conditions de travail pour assurer leur pérennité

J. Owens

Essor du jeu vidéo : un niveau supérieur débloqué?

Shirley Bille

Le marché mondial du jeu vidéo a connu une ascension telle qu’il dépasse désormais l’industrie cinématographique et de la musique combinées (Accenture, 2021). Il est réaliste de croire que la pandémie a joué un rôle important en contribuant à l’augmentation du temps d’écran moyen et en favorisant la socialisation par les jeux vidéo.

Selon une étude réalisée aux États-Unis par l’Entertainment Software Association (ESA) au début de l’année 2021, 55 % des consommateurs ont augmenté leur temps de jeu durant la pandémie. Parmi ceux-ci, 77 % préfèrent jouer avec d’autres joueurs, que ce soit en ligne ou en personne, contre 65 % l’année précédente. Or, plusieurs facteurs expliquent le succès de cette industrie. En effet, les tendances qui se sont établies au cours des années, comme le support mobile et l’adoption massive des téléphones intelligents, la dématérialisation du jeu vidéo, les microtransactions intégrées et les e-sports en constituent vraisemblablement les prémices. Au-delà de l’apport économique, la croissance du jeu vidéo suscite de nombreux défis et opportunités.


DES JOUEURS BIEN CLASSÉS AVEC DES STRATÉGIES DIFFÉRENTES

Les États-Unis et le Canada occupent respectivement la deuxième et la huitième place au classement international en termes de revenus liés à l’industrie du jeu vidéo. Le Québec et les régions de la côte ouest nord-américaine sont aux premières loges de ce phénomène et jouent un rôle important dans le développement de cette industrie. (Newzoo, 2021).

Figure 5.3.1 - Impact direct du marché du jeu vidéo sur les emplois par provinces canadiennes (2021) et par États américains en (2020)

Sources : Association canadienne du logiciel de divertissement, 2021; Entertainment Software Association, 2020

Le Québec et la Californie se démarquent avec plus de 40 % des emplois directs générés à l’échelle nationale. La Colombie-Britannique et l’État de Washington jouent également un rôle important avec respectivement 27 % et 11 % des emplois directs créés. Cependant, l’impact de ces régions n’est pas le résultat des mêmes stratégies.

L'AVANTAGE HISTORIQUE DE LA CALIFORNIE

En Californie, c’est dans la région de la baie de San Francisco, dans la Silicon Valley, que l’industrie des jeux vidéo a émergé au cours des années 1970. Plus tard, dans les années 1990, elle s’est répandue dans la zone de Los Angeles, au cœur de l’industrie cinématographique d’Hollywood. C’est entre autres grâce à la place de la culture populaire, au bassin de talents et à l’expertise hors du commun en effets visuels et en production audio que l’industrie du jeu vidéo s’y est progressivement développée. Aujourd’hui encore, ces facteurs, ainsi que la présence de nombreux programmes d’études, permettent à la Californie de se positionner comme chef de file du jeu vidéo (Pilon & Tremblay, 2013). Sa position se trouve cependant menacée par le coût de la vie élevé pour les habitants, mais aussi par la compétition qu’exercent les autres États et le Canada, qui font usage de politiques gouvernementales agressives afin d’attirer des talents et des compagnies. En effet, le gouvernement californien n’offre pas d’incitatifs propres au secteur des jeux vidéo. Bien qu’un crédit d’impôt soit offert pour la recherche et le développement, il demeure peu profitable pour les startups et les petites entreprises qui constituent la majorité des entreprises du secteur dans le pays (Milken Institute, 2018).

Visite de Twitch

Twitch est une plateforme de diffusion de vidéo en direct sur laquelle de nombreux joueurs diffusent leur temps de jeu. À travers un service d’affiliation, les joueurs peuvent bénéficier de revenus générés lorsque des publicités sont visionnées par leur audience. Ils peuvent également être parrainés ou commandités par des compagnies. Les spectateurs incités à acheter du nouveau matériel, des nouveaux jeux, des extensions ou des fonctionnalités permettent aux joueurs de gagner des commissions et aux marques de générer un plus grand profit (Salesforce, s.d.).

LE QUÉBEC, UN CONCURRENT QUI SE DÉMARQUE

Contrairement à la Californie, la forte concentration d’entreprises en audiovisuel au Québec est en grande partie due aux incitatifs gouvernementaux comme le crédit d’impôt pour la production de titres multimédias (Pilon & Tremblay, 2013). Celui-ci peut atteindre jusqu’à 37,5 % de la dépense de main-d’œuvre admissible (Investissement Québec, s.d.). Le Canada en général attire grâce à sa proximité culturelle avec les États-Unis, tandis que le Québec se démarque par son bilinguisme et par le pont qu’il constitue entre la culture nord-américaine et européenne. En plus du coût de la vie qui y est relativement bas, la province a la réputation de posséder un fort esprit entrepreneurial et une culture du « low-cost high creativity », qui fait référence au sens élevé de créativité qui permet d’innover avec peu de ressources (Pilon & Tremblay, 2013).

LES DIFFÉRENTS MODÈLES DE MONÉTISATION AU SERVICE DE LA COMPÉTITIVITÉ

De nombreuses tendances ont contribué à l’expansion du secteur du jeu vidéo. La numérisation a permis à ce dernier de passer du produit au service. Les modèles de revenus ont ainsi été transformés. Au lieu de percevoir les revenus liés à l’achat unique d’un jeu physique, certaines compagnies commercialisent leurs jeux avec des fonctionnalités de base offertes à un prix fixe ou gratuitement. Les revenus peuvent ensuite augmenter avec le flux continu de transactions réalisées par les utilisateurs qui souhaitent obtenir des fonctionnalités avancées. D’autres compagnies choisissent des formules telles que les abonnements mensuels, le paiement de services de jeux à la demande, les microtransactions ou encore les passeports saisonniers. Ces modèles de revenus peuvent être combinés et offrent la possibilité aux entreprises de financer continuellement le développement de mises à jour. Selon la firme de monétisation Digital River, le jeu vidéo en tant que service aurait ainsi permis à l’industrie de tripler sa valeur (Digital River, 2017). Parmi les modèles ayant émergé, certains permettent aux joueurs et aux producteurs de jeux vidéo de s’enrichir en parallèle.

Définition : e-sports

Les e-sports sont des tournois, ligues ou compétitions de jeu vidéo au cours desquels des joueurs s’affrontent, seuls ou en équipes, devant des spectateurs, en personne ou bien en ligne. Dans la plupart des cas, cela implique la création et la distribution de contenu vidéo via de la diffusion en direct en ligne et quelques fois sur des chaînes de télévision. Au-delà du divertissement, les joueurs peuvent gagner des prix et être rémunérés. Les compétitions sont structurées par des organisateurs et elles sont dotées de formats et de règles bien établis (ISFE Esports, ESA, ESA Canada, IGEA, 2022).  

LES E-SPORTS, UNE CATÉGORIE TRÈS POPULAIRE

Les e-sports révolutionnent la façon dont les consommateurs visionnent et interagissent avec les jeux vidéo. Ces compétitions permettent à des millions d’amateurs de connecter avec leurs communautés. Selon Newzoo, le nombre d’adeptes s’élèverait, en 2021, à 240 millions et le nombre de visionneurs occasionnels serait de 234 millions pour une audience totale de 474 millions de personnes à travers le monde (ISFE Electronics & Newzoo, 2021). De nombreuses entreprises dont le siège social est situé en Californie telles qu’Activision avec Call of Duty, Riot Games avec League of Legends, Electronic Arts avec EA SPORTS FIFA, Microsoft, etc. se trouvent parmi les principaux éditeurs de franchises ou de titres compétitifs. En effet, la Californie, et plus particulièrement la ville de Los Angeles, est une plaque tournante mondiale du e-sport. Cependant, plusieurs grands promoteurs de cette discipline se trouvent ailleurs comme Valve dans l’État de Washington et Ubisoft au Québec (ISFE Esports, 2021). Les avancées technologiques ont été essentielles au développement des e-sports et c’est surtout la couverture internet robuste et rapide qui fait de certaines régions du monde des marchés florissants. Posséder une connexion fiable est nécessaire pour jouer et diffuser en ligne.

LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE : LE NOUVEAU BOSS À COMBATTRE?

Les e-sports génèrent beaucoup de données, tout comme le jeu vidéo à la demande (cloud gaming), qui se résume à jouer à des jeux hébergés en nuage (cloud) à partir d’un appareil électronique. Bien que le potentiel de ce service soit encore sous-exploité, on s’attend à ce que la technologie s’améliore et que son marché grandisse. Microsoft a récemment fait l’acquisition d’Activision afin de lancer sa stratégie visant à devenir le « Netflix du jeu vidéo ». Plusieurs se questionnent toutefois quant à l’impact sur l’environnement des tendances en jeu vidéo. Selon une étude récente, si 30 % des utilisateurs de jeux vidéo passaient au jeu vidéo à la demande d’ici 2030, alors les émissions de gaz à effet de serre augmenteraient de 29,9 % (Marsden, Hazas, Broadbent, 2020). Une autre étude menée par le Laboratoire national Lawrence Berkeley, en 2016, renforce cette idée : le jeu vidéo en streaming serait moins énergivore à l’échelle locale, mais causerait des dépenses énergétiques supérieures pour les centres de données. La consommation d’électricité pourrait augmenter de 30 % à 200 % pour les consoles et de 120 % à 300 % pour les ordinateurs portables. L’impact dépendrait de la distance que les données auraient à parcourir et de l’efficacité des centres de données (Carpenter, 2020). Néanmoins, les jeux vidéo peuvent s’avérer un outil pour sensibiliser aux enjeux environnementaux et contribuer à l’atteinte des objectifs de développement durable, comme l’affirme une étude commandée par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (Patterson, Barratt, 2019).

UN MONDE DE POSSIBILITÉS GRÂCE À LA RÉALITÉ VIRTUELLE ET LA RÉALITÉ AUGMENTÉE

En dehors des risques que comporte la présence accrue des jeux vidéo sur la bande passante, le secteur du jeu vidéo présente de belles opportunités pour l’économie des régions à l’étude. Les technologies de réalité virtuelle et augmentée possèdent de nombreuses applications, mais elles sont encore minoritaires au sein de l’industrie. Lors d’une consultation des professionnels du secteur du jeu vidéo organisée par la Game Developers Conference, seulement 10 % des répondants développaient un jeu en réalité virtuelle (GDC, 2022). Un engouement pour les applications destinées au domaine de l’éducation a toutefois été observé. À l’université de Stanford par exemple, un centre de réalité virtuelle a été ouvert pour améliorer la formation en neurochirurgie et la planification des opérations des chirurgiens.

Visite de DeepSight

La compagnie DeepSight, basée à Montréal, se spécialise dans les solutions de réalité augmentée pour la formation de la main-d’œuvre et le dépannage à distance des opérateurs. Elle tire avantage du fait que les compagnies ne peuvent pas toujours former leurs employés sur le terrain. DeepSight réalise notamment des guides universels d’instructions en 3D (Auger, 2021).

Le secteur du jeu vidéo semble ne pas avoir terminé son expansion. Le Québec et la côte ouest nord-américaine possèdent des atouts qui leur permettent de se positionner comme chefs de file dans cette industrie. Cette place leur permettrait de promouvoir l’intégration des principes de développement durable dans l’évolution du secteur. En effet, alors que le monde se tourne davantage vers le numérique, il est impératif de considérer l’impact de ces technologies.

Samsung Memory

Abolition des frontières entre la réalité et le virtuel

Linda Chau, Maxime Thelliez et Shirley Bille

Le virtuel prend progressivement de l’ampleur dans notre expérience quotidienne. Il ne se limite plus à un cadre statique prôné par les écrans plats, mais se métamorphose plutôt à travers plusieurs supports, appareils portatifs, casques de réalité virtuelle, augmentée ou même différentes textures et formes projetées.

Le virtuel et le réel s’entremêlent, au point où les frontières deviennent difficilement discernables. Au-delà de l’implication des sens, il finit par importer des notions du réel telles que la propriété ou la sécurité.

LA TECHNOLOGIE COMME PILIER DU MONDE VIRTUEL

Que ce soit dans le domaine cinématographique, vidéoludique, ou de l’art numérique, les effets audiovisuels occupent une place primordiale, et c’est l’innovation technologique qui permet d’atteindre un degré supplémentaire de réalisme. Les récentes avancées dans le domaine se font en motion capture, en spatialisation du son, en réalité augmentée ou avec les prises de vue par drone.

Capture de mouvement (motion capture)

Méthodes consistant à l’extraction, à l’aide de capteurs, de données provenant des mouvements d’un acteur humain et à l’animation des personnages virtuels à partir de celles-ci. Ces techniques permettent d’obtenir un personnage animé avec des mouvements plus fluides (OQLF, 2021).

Spatialisation sonore

Techniques d’enregistrement et de production visant à moduler l’intensité du son dans le but de donner la sensation à l’auditeur de pouvoir en localiser l’origine dans l’espace (OQLF, 2021).

EXPÉRIENCES IMMERSIVES

Parmi les formes de divertissement virtuel, les expériences immersives tendent à se populariser. À Montréal, plusieurs organisations de réalité mixte accordent une importance particulière à la dimension sociale de cette forme de multimédia. C’est le cas de Moment Factory, dont la devise « On fait ça en public » rappelle la vision de la compagnie qui consiste à proposer des expériences qui rassemblent, à l’instar de la Société des arts technologiques qui favorise des expériences de réalité mixte collectives et avec des spectateurs ou des créateurs colocalisés (Moment Factory, 2022; Société des arts technologiques, 2022). Ces activités font partie du secteur culturel qui a particulièrement été touché au cours de la pandémie, mais elles sont également concernées par le Plan de relance économique du milieu culturel du Québec. En effet, 14 millions de dollars ont été prévus afin de faciliter « la création de productions culturelles adaptées à la diffusion numérique, [et] d’infrastructures numériques » (Culture et Communications Québec, 2021). De plus, un budget de 50,9 millions de dollars a été alloué pour les arts de la scène et peut servir à la « construction de salles de spectacles virtuelles ou de spectacles présentés en simultané dans plusieurs salles et en ligne » (Culture et Communications Québec, 2021). Plusieurs initiatives avaient déjà vu le jour au Québec dans une attitude de résilience face aux conséquences économiques et sociales de la pandémie. On peut citer Satellite, une plateforme sociale 3D en ligne qui réunit du contenu artistique et culturel (Société des arts technologiques, 2021) et le musée virtuel interactif d’Elektra, un OSBL de diffusion d’art numérique (Lacasse, 2022).

LES NFT : UN MOUVEMENT ARTISTIQUE NUMÉRIQUE

L’art s’est jusqu’à maintenant matérialisé sous forme de tableaux ou de structures de formes et de matériaux divers. Pour révolutionner le monde artistique, les artistes trouvent constamment des manières de réinventer l’art. En 2022, une nouvelle tendance pointe vers l’œuvre numérique donnant ainsi naissance aux NFT (non-fungible token en anglais ou jeton non fongible en français). Chaque NFT a une certification d’authenticité rendant l’œuvre unique (Office québécois de la langue française, 2021). La cryptomonnaie, qu’elle soit sous forme de photo, de vidéo ou de musique, devient donc impossible à reproduire. Il existe deux types de NFT. Il y a d’abord des NFT pour les passionnés d’art appréciant la beauté et la richesse des œuvres, puis il y a ceux qui visent les collectionneurs de cryptomonnaies profitant de ce marché spéculatif. Ce dernier a notamment généré 23 milliards USD en 2021, année où le fameux Everydays: The First 5000 Days de Beeple a été vendu à 69,3 millions USD (Martine, 2021; Bambysheva, 2021).

Comme toutes cryptomonnaies existantes, aucune législation ne régule la circulation des NFT, et ce, autant aux États-Unis qu’au Canada. Le prix varie selon l’unicité de l’œuvre ainsi qu’en fonction de l’offre et de la demande. Toutefois, les NFT tombent sous les lois de droits d’auteur et de propriété intellectuelle. L’artiste recevra alors une certaine somme de la revente d’un NFT sous contrat de vente (Giddens & Zimmerman, 2021).

UN ART POLLUANT

Qui dit cryptomonnaie, dit stockage de données et donc émissions de gaz à effet de serre. En effet, selon Memo Akten, docteur en intelligence artificielle, en apprentissage profond et en interactions personne-machine expressives, la présence d’une œuvre sur une plateforme de NFT émet 100 kg de CO2, soit l’équivalent d’un vol d’une à deux heures. Une vente aux enchères recevant de nombreuses offres dépasse les 500 kg de CO2, soit un vol d’au moins cinq heures (Akten, 2020). Les artistes, conscients de cette consommation énergivore, souhaitent faire leur part. C’est le cas du créateur américain du NFT. Valant 69,3 millions USD, il assure qu’il investit les gains réalisés dans des projets d’énergies renouvelables afin de contrer les émissions de son œuvre constituée d’un amalgame de 5 000 photos (Calma, 2021).

Des entreprises émergentes font aussi d’une pierre deux coups pour atteindre la neutralité carbone en trouvant des solutions innovantes. Par exemple, CurrencyWorks, une entreprise basée à Los Angeles, recycle les déchets pétroliers de l’Alberta pour alimenter le minage de cryptomonnaie (Bruner, 2021). Malgré le fait que les NFT alimentent le débat sur la pérennité de la monnaie virtuelle, plusieurs utilités sont attribuées à ces produits du monde de l’art et de la cryptomonnaie tels que dans les jeux vidéo et le métavers.

LE MÉTAVERS, FORME FINALE DU MONDE NUMÉRIQUE

Depuis l’annonce du changement de nom de Meta, anciennement Facebook, en octobre 2021, le terme métavers est rapidement devenu une source de fantasme pour les technophiles. Il réfère à un « univers numérique constamment connecté, où plusieurs utilisateurs partagent un environnement fusionnant la réalité physique et le virtuel », rendu accessible grâce aux nouvelles technologies comme la réalité virtuelle et augmentée (Mystakidis, 2022). Le métavers n’est pas unique : plusieurs mondes numériques sont actuellement en activité, dont les plus connus sont Decentraland, ou encore The Sandbox. Les applications pratiques font en grande partie référence à une nouvelle forme de réseau social, avec la possibilité de participer à des réunions ou de s’adonner à des jeux vidéo dans un environnement plus immersif (Meta, 2022). C’est notamment possible grâce à deux composantes clés : les chaînes de blocs, qui permettent de transmettre des données en assurant leur intégrité, et l’intelligence artificielle, qui optimise ces transmissions tout en améliorant le réalisme du monde numérique (Fernández-Caramés & Fraga-Lamas, 2022). Avec des transactions d’achat de biens numériques s’élevant à plusieurs millions USD, il est évident que le Metaverse doit faire face à des enjeux de taille en matière de sécurité des données (Frank, 2022).

UN MONDE EN DÉVELOPPEMENT

Même si la plupart de ces mondes « meta », aussi appelés Web 3.0, n’ont vu le jour que très récemment, des économies se basent déjà sur les différents biens et services échangeables au sein de ces plateformes. En 2021, l’entreprise Sotheby’s, spécialisée dans la vente aux enchères d’œuvres d’art, a inauguré la première galerie virtuelle dédiée aux NFT dans Decentraland, où les artistes peuvent afficher et vendre leurs œuvres (Grayscale, 2021). Au sein de ce même monde a eu lieu la première édition de la Metaverse Fashion Week 2022, proposant des défilés, des soirées, et des concerts liés à la promotion de vêtements numériques créés par de grands noms de la haute couture, tels que Gucci, Paco Rabanne, ou Givenchy (Salessy, 2022). Néanmoins, le marché dominant reste celui des propriétés virtuelles. D’après le rapport rédigé par J. P. Morgan sur les opportunités du métavers, le coût des parcelles de terrains des grands Web 3.0 a doublé entre juin et décembre 2021, s’échangeant actuellement en moyenne pour 12 000 USD (J. P. Morgan, 2022). Selon une étude réalisée par Bloomberg, cette nouvelle technologie pourrait rapporter jusqu’à 800 millions USD de revenu potentiel d’ici 2024 (Bloomberg Intelligence, 2021). Bien que les défis soient de taille, tous les experts s’accordent sur le potentiel immense que représente le Metaverse.

J. Yarema

Synthèse

Par sa corrélation avec le développement de nouvelles technologies audiovisuelles, le multimédia est une industrie qui se transforme à un rythme particulièrement soutenu. De la popularisation des plateformes de streaming à l’introduction aux mondes numériques et par la transition des modèles d’affaires du jeu vidéo et les problèmes organisationnels qui s’y rattachent, cette industrie n’a pas fini de se métamorphoser pour correspondre aux attentes des consommateurs. En constatant l’évolution de l’audiovisuel au cours des dernières décennies, il peut être difficile de savoir si les changements actuels perdureront. Une chose est sûre : l’industrie du multimédia devra faire face à un réel enjeu technologique pour continuer à satisfaire une audience toujours plus connectée.