Une histoire entrelancée
Les relations nord-américaines, entre solidarité et protectionnisme
Un monde connecté
Les enjeux de l'or noir
Le Canada et les États-Unis entretiennent une relation unique tant d’un point de vue historique que géographique. La longue frontière que partagent les deux pays est à l’origine d’une importante quantité d’échanges et d’alliances. Considérant qu'il sagit de deux pays industrialisés, des accords internationaux les unissent avec, entre autres, le Mexique et le reste du monde. Or, ces accords peuvent parfois être fragilisés et les échanges internationaux se trouvent alors bouleversés. Les chaînes de valeur mondiales et la situation actuelle du cours du pétrole en sont d’ailleurs de bons exemples.
Partageant la plus longue frontière terrestre au monde, le Canada et les États-Unis entretiennent une relation unique en son genre. Remonter aux balbutiements de la Nouvelle-France et des Treize colonies pour mieux saisir les événements du passé permet d’avoir une compréhension accrue des événements actuels.
Il est d'autant plus intéressant de saisir l'importance des relations géopolitiques et de voir comment celles-ci ont laissé leurs empreintes à travers l'histoire de ces deux nations.
UNE PAGE D'HISTOIRE DE LA CÔTE OUEST
Alors qu’une grande partie de l’histoire de l’Amérique du Nord s’est initialement écrite sur la côte est, qu’en est-il de son littoral opposé? D’un point de vue géographique, la côte ouest nord-américaine représentait un défi d’accès et de logistique pour les puissances maritimes européennes de l’époque, lancées à la conquête du monde.
La côte ouest nord-américaine était originalement habitée par des peuples indigènes qui, provenant de l’Asie, étaient passés par le détroit de Béring. Les premiers Européens à s’y rendre sont les Espagnols en 1513, mais ce n’est qu’à la deuxième moitié du XVIIIe siècle que les efforts de colonisation se concrétisent. De nombreux endroits connus de la côte ouest, dont certaines villes visitées dans le cadre de la mission 2022, tiennent notamment leurs noms de l'occupation espagnole : San Jose, San Francisco et Los Angeles.
Des conflits territoriaux entre l’Espagne et l’Empire britannique émergent à la fin du XVIIIe siècle. Ces tensions aboutissent à la convention de Nootka. Celle-ci autorise l’Empire britannique à établir des campements sur la côte ouest nord-américaine sous certaines conditions (Center for the Study of Pacific Northwest, s.d). D’autre part, l’État de la Californie était une possession espagnole jusqu’à ce que le Mexique déclare son indépendance en 1820. La guerre américano-mexicaine de 1846 mène à l’annexion, par les États-Unis, de la Californie qui devient un État officiel en 1849.
RELATIONS CANADO-AMÉRICAINES
Les relations entre le Canada et les États-Unis sont le résultat d’un processus qui s’étale sur plusieurs siècles. Celles-ci n’ont pas toujours été aussi cordiales qu’elles le sont aujourd’hui.
La révolution américaine qui mène à la déclaration d’indépendance, en 1776, marque un tournant dans l’histoire des États-Unis et la naissance d’une nation. Bien que les États-Unis se soient affranchis de la Grande-Bretagne, les tensions entre ces-derniers continuent de s’exacerber et culminent avec la guerre anglo-américaine de 1812. Conséquemment, les conflits se déroulent sur le continent américain puisque l’Empire britannique est représenté par le Canada. Malgré le fait qu’un traité de paix ait été signé en 1814 et qu’aucun changement de territoire n’ait été effectué, la menace d’une invasion américaine continue de planer au nord. À la suite de la guerre civile américaine de 1865, les tensions montent entre les États-Unis et l’Empire britannique en raison du soutien officiel de ces derniers auprès des États confédérés (The Canadian Encyclopedia, s.d). D’ailleurs, l’appréhension d’une annexion par les États-Unis et le désir d’établir une frontière plus sécuritaire constituent deux importants motifs derrière la Confédération canadienne de 1867. Celle-ci fait suite à l’acte d’Union de 1840 qui joint le Haut et le Bas-Canada pour former le Dominion du Canada.
Alors que les relations entre le Canada et les États-Unis ont fluctué à travers le temps, il demeure intéressant de constater l’importance des conflits géopolitiques dans leur évolution. Confrontés à des menaces similaires, les deux pays ont tendance à faire front commun. L’aspect militaire et la défense du territoire nord-américain représentent en effet d’importants enjeux partagés. Les relations canado-américaines sont donc influencées par les événements géopolitiques marquants du XXe siècle comme les guerres mondiales ou la guerre froide (Defence & Foreign Affairs, s.d.).
Un autre aspect primordial sur lequel se basent les relations canado-américaines est le volet économique qui sera abordé plus en détail dans le prochain article. En effet, le commerce entre les deux pays a grandement influencé et défini les relations entre le Canada et les États-Unis.
LE QUÉBEC À L'INTERNATIONAL
Le Québec, en tant que province, possède neuf antennes, bureaux ou délégations aux États-Unis, dont deux sur la côte ouest (Coordonnées des représentations du Québec à l’étranger du ministère des Relations internationales et de la Francophonie, 2022). Un grand tournant dans les relations internationales du Québec survient avec la doctrine Gérin-Lajoie. Dans son discours de 1965, Paul Gérin-Lajoie observe que la constitution canadienne ne présente pas de directives explicites en ce qui a trait aux relations internationales. Son discours porte alors sur « le prolongement externe des compétences internes du Québec » qui incluent le domaine de la santé, de l’éducation et de la culture, entre autres (Paquin, 2016).
Guy Berthiaume, de la délégation du Québec à San Francisco, a mentionné que la Californie représente le principal partenaire économique du Québec sur la côte ouest américaine. Malgré la distance qui les sépare, ces deux nations témoignent d’une influence centrée autour de la créativité, de l’innovation et de l’entrepreneuriat, des caractéristiques typiques retrouvées dans la Silicon Valley.
Paul Gérin-Lajoie (23 février 1920 – 25 juin 2018) est avocat de formation. Il a fait ses études à l’Université de Montréal et a obtenu son doctorat en droit constitutionnel à l’Université d’Oxford. Il se lance en politique en 1956 et devient le premier titulaire du ministre de l’Éducation (de 1964 à 1966) sous le gouvernement de Jean Lesage (Paul Gérin-Lajoie – Assemblée nationale du Québec, s.d.).
Les provinces canadiennes sont donc en mesure de « négocier et de conclure des ententes avec des partenaires étrangers dans les domaines de souveraineté provinciale » (Maltais, 2015). Depuis 1965, le Québec a ainsi négocié et signé plus de
800 accords internationaux. Selon le ministère des Relations internationales et de la Francophonie, 429 sont encore en vigueur. Parmi les ententes internationales considérées importantes par l’Assemblée nationale du Québec, plusieurs portent sur des équivalences de permis de conduire et de sécurité sociale. S’y trouve également un accord avec la Californie datant de 2013 portant sur l’harmonisation et l’intégration des programmes de plafonnement et d’échanges de droits d’émission de gaz à effet de serre (Turp, 2016).
Cette volonté du Québec de prendre sa place sur la scène internationale et qui a été énoncée par le défunt ministre de l’Éducation, Paul Gérin-Lajoie, a donné le ton pour les décennies à venir et ses ramifications s’étendent jusqu’à aujourd’hui. À la lumière de ces événements, il est possible de mieux comprendre l’évolution de la relation canado et québéco-américaine. Les prochains articles se pencheront plus en détail sur certaines facettes de ces relations.
Les accords commerciaux entre les États-Unis et le Canada sont le symbole d’une coopération marquée entre les deux pays, et ce, depuis de nombreuses années. Toutefois, sur certains marchés, les États-Unis ont tendance à vouloir imposer avec des mesures tarifaires pour assurer un certain équilibre de leurs flux commerciaux à l’international.
Certaines mesures favorisant plusieurs marchés canadiens ont un impact direct sur ses concurrents à l’international.
Introduction du GATT
Les relations nord-américaines entre les États-Unis et le Canada ont été influencées par leur grande proximité géographique. Elles se sont forgées à travers leur histoire commune et l’évolution des accords commerciaux liant ces deux pays. Les accords du GATT de 1947 ont pour vocation de réduire les tarifs douaniers et d’éliminer les quotas liés aux importations et aux exports imposés aux 23 pays membres (Wilkinson, 2021).
Les accords du GATT reposent sur quatre principes fondamentaux :
Un avantage accordé à un membre doit s’appliquer à l’entièreté des membres;
L’abandon progressif des droits de douane;
L’abolition des restrictions quantitatives;
L’interdiction du dumping et des subventions à l’exportation (Définition des accords du GATT, 2022)
Dumping : Vente sur des marchés internationaux à des prix inférieurs que ceux des marchés nationaux (Glossaire du commerce international, 2022).
Ces accords ont permis de réduire les taxes sur les produits industriels de 40 % à 5 %. Ils marquent le début d’une collaboration économique internationale qui permet d’éviter le protectionnisme d’après-guerre. Malgré cela, les différents pays ayant subi de lourds dommages imposés par la guerre sont tentés de relancer leur propre économie avant de penser à intégrer des échanges internationaux. À la suite de l’effondrement du bloc communiste, en 1991, les accords du GATT donnent lieu à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Après des dérogations obtenues au sein de l’OMC, les États-Unis et le Canada peuvent accentuer leurs échanges et ainsi fonder entre les pays membres des accords tels que l’Accord canado-américain sur les produits de l’industrie automobile (1965) qui donnera lieu, en 1994, à l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) incluant également le Mexique (Gouvernement du Canada, 2020).
ÉVOLUTION DES ACCORDS DE LIBRE-ÉCHANGE, UN SUJET QUI SUIT L'ACTUALITÉ
En novembre 2018, à l’occasion du G20 qui se tenait à Buenos Aires, de nouveaux accords entre le Canada, les États-Unis et le Mexique ont vu le jour. Le nouvel Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) signé par Justin Trudeau, premier ministre du Canada, Donald Trump, président des États-Unis et Enrique Pena Nieto, président du Mexique, vient redéfinir certains aspects du libre-échange, intégrant les nouvelles spécifications de l’industrie actuelle. Cet accord a pour vocation d’accentuer la transparence sur les normes sanitaires pour les produits issus de l’agriculture qui transitent d’un pays à l’autre. Le secteur de l’automobile est également ciblé, puisque pour chaque voiture, 75 % de la valeur créée et 70 % de l’acier doivent provenir de l’Amérique du Nord (Gouvernement du Canada, 2020). Cette dernière mesure ne favorise pas les trois partenaires à parts égales. Par exemple, elle n’inclut pas la production d’acier ou d’aluminium mexicain. Une autre mesure impose qu’une proportion importante du véhicule soit produite par des travailleurs gagnant au moins 20,14 CAD.
Cette mesure permet de maintenir une certaine compétitivité du secteur manufacturier canadien face au mexicain.
PRINCIPAUX IMPORTS ET EXPORTS ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LE CANADA
Les exportations canadiennes sont majoritairement dirigées vers les États-Unis. Elles représentent 79 % des revenus liés à ces exports (Figure 2.2.1).
Figure 2.2.1 - Pourcentages des revenus liés aux exports canadiens par pays
Source : Statistique Canada, 2022
La présence d’imports et d’exports aussi importants entre deux pays est un cas unique au monde. La figure 2.2.2 illustre le volume des importations canadiennes, qui demeurent plus importantes que les exportations. Le Canada est davantage lié à la production américaine que le sont les États-Unis avec la production canadienne. L’écart semble se maintenir de manière équivalente au fil des années. Les importations canadiennes aux États-Unis ont fortement chuté en 2009, notamment en raison de la crise économique qui a particulièrement impacté l’économie américaine. La grande capacité de production couplée à un éventail d’expertises sur des technologies de pointe aux États-Unis demeure parmi les causes probables de l’important import canadien.
Figure 2.2.2 - Importations et exportations canadiennes aux États-Unis (millions de CAD)
Source : Statistique Canada, 2022
Toutefois, à la suite de cette crise et jusqu’à présent, les échanges sont restés à la hausse dans leur globalité. La rechute enregistrée en 2020 pourrait être due à la pandémie de la COVID-19. Cette baisse momentanée a laissé place, en 2021, à une nette reprise des importations, mais à des exportations stagnantes. La reprise du secteur manufacturier américain a été plus rapide qu’au Canada, et ce, probablement en raison des mesures sanitaires appliquées à moins long terme aux États-Unis.
Les exportations canadiennes vers les États-Unis sont majoritairement composées de pétroles, d’huiles et de gaz naturel. La figure 2.2.3 démontre que la quatrième plus grande partie des exportations canadiennes (7 %) est représentée par des produits initialement fabriqués aux États-Unis. Cette statistique démontre, une fois de plus, l’importante imbrication des chaînes de valeur de production entre ces deux pays limitrophes. Cela laisse sous-entendre également que les États-Unis sont une grande force de production de matières premières, alors que le Canada se spécialise davantage sur l’assemblage ou sur les étapes intermédiaires lors de l’élaboration d’un produit.
Figure 2.2.3 - Répartition des exports des États-Unis vers le Canada en fonction de leur nature, en janvier 2020
Source : Statistique Canada, 2022
Les deux provinces qui dominent les exportations vers les États-Unis sont l’Alberta et l’Ontario (Figure 2.2.4). L’Alberta est responsable de 34 % des exports, et ce, majoritairement grâce au pétrole.
L’Ontario et le Québec, qui suit de près, sont des zones de forte densité de population, ce qui concentre aussi une grande partie de l’économie canadienne, et donc de la production.
Figure 2.2.4 - Répartition des exportations canadiennes aux États-Unis (en CAD)
Source : Statistique Canada, 2022
Le Michigan, l’Ohio, l’Illinois et l’Indiana enregistrent une forte concentration de population et représentent ainsi une région d’importante activité économique aux États-Unis (Figure 2.2.5). Ces États rassemblent donc la majorité des importations canadiennes avec 29 %. Outre leur importante activité économique, il est possible que la proximité géographique de ces régions avec la frontière influence cette intensification des échanges. Toutefois, une grande quantité de marchandise se rend dans les États du Texas et de la Californie, et ce, malgré une distance significative avec la frontière. Des industries sont intéressées par les produits du secteur manufacturier canadien, comme notamment celle située en Californie qui importe massivement pour leur production de véhicules électriques. Elles totalisent 7,15 milliards de CAD pour l’année 2021 (Workman, 2021).
Figure 2.2.5 - Répartition entre les 13 premiers États des exports vers le Canada (en CAD)
Source : Statistique Canada, 2022
LE BOIS D'OEUVRE ET L'ACIER : DES MESURES PROTECTIONNISTES
QUI SUBSISTENT MALGRÉ DES ACCORDS
Malgré des échanges importants entre les États-Unis et le Canada facilités grâce à des accords commerciaux comme l’ACEUM, de nombreux conflits ont émergé entre les deux pays. La crise du bois d’œuvre qui s’est déclarée en 1982 a été déclenchée par une accusation du département du commerce américain contre le gouvernement canadien, qui proposait des droits de coupe trop bas favorisant l’économie canadienne. Cette crise a de nouveau fait parler d’elle en 2021, lors d’une nouvelle augmentation de son taux combiné pour les droits compensateurs imposés par les États-Unis. Le gouvernement canadien s’est dit extrêmement déçu de ces mesures imposées au début de 2021, qui sont venues exercer une pression supplémentaire sur les producteurs canadiens (Radio-Canada, 2021).
Historiquement, le prix du bois d’œuvre est affecté par des contraintes environnementales telles que des parasites ou encore des feux de forêt (Statistique Canada, 2019). Toutefois, un pic de construction de logements aux États-Unis, en 2015, avait grandement impacté positivement les producteurs canadiens ainsi que leur marge (Figure 2.2.6). Les États-Unis représentent 75 % de la valeur des exportations de bois d’œuvre résineux du Canada. Ainsi, l’imposition de taxes supplémentaires entraîne des répercussions majeures sur les marges des producteurs canadiens. Plusieurs villes en Colombie-Britannique dont l’économie repose sur cette industrie subissent de grandes vagues de chômage (Radio-Canada, 2020).
Figure 2.2.6 - Prix du bois d’œuvre, achat et vente avec marge des producteurs canadien
Source : Statistique Canada, 2019
Lorsque Donald Trump a décidé de prélever une taxation de 10 % sur les droits d’importation de l’aluminium, le 6 août 2020, il a contredit les accords signés deux ans auparavant, soit ceux de l’ACEUM (La Presse, 2020). À la suite d’une forte indignation des pays membres, cette mesure a été levée le 27 octobre 2020. Celle-ci a été jugée abusive par les administrations économiques gouvernementales américaines (La Presse, 2020).
Ces mesures protectionnistes affectent évidemment les partenaires économiques liés à ces flux commerciaux, mais elles ont également un impact sur le prix des consommables aux États-Unis ainsi que sur les compétiteurs américains qui voient leur prix de vente augmenter et leur marge se réduire.
LA DIFFICULTÉ D'ÊTRE PROTECTIONNISTE AVEC UNE ÉCONOMIE AUSSI ENCHEVÊTRÉE
L’exemple le plus percutant de cette économie si étroitement liée n’est autre que le secteur automobile. L’industrie automobile représente 10 % du PIB du secteur manufacturier canadien. Le Québec et l’Ontario hébergent bon nombre d’entreprises américaines telles que PACCAR et GE qui sont des fabricants de camions et de véhicules automobiles. En 2017, une autre entreprise américaine, Ford Motor Compagny, investissait 1,2 milliard CAD en vue d’une refonte de son usine à Winsor, en Ontario, ce qui allait permettre la création de centaines de postes en recherche et développement. L’écosystème de l’industrie automobile rassemble de multiples champs d’expertise incluant notamment celui de l’intelligence artificielle, composante indispensable à l’élaboration de véhicules autonomes (Gouvernement canadien, s.d.).
La figure 2.2.3 démontre qu’une grande partie des importations canadiennes en provenance des États-Unis concerne les composantes automobiles (4 %). La facilitation des barrières commerciales est donc un élément clé permettant le maintien de la compétitivité de ces fabricants automobiles.
La Compagnie Électrique Lion, une entreprise québécoise dont le siège social se trouve à Saint-Jérôme, au Québec, vient de décrocher un contrat pour la fabrication de 10 autobus avec Twin Rivers Unified School District, à Sacramento. Ce contrat fait suite à une précédente vente d’autobus à Amazon. Possédant déjà des bureaux dans l’État du Maine, aux États-Unis, La Compagnie Électrique Lion vient également de s’installer à San Jose, en Californie. (On Verge of Going Public, Lion Electric Lands Deal with LA School District, 2021)
Au début de son mandat, le président des États-Unis, Joe Biden, désire relancer l’économie américaine à travers sa politique du Built Back Better. Pour cela, il s’attaque à un secteur clé, l’automobile, et plus particulièrement à celui des véhicules électriques qui est en pleine croissance. Afin de relocaliser la production de ces véhicules sur le sol américain, une seconde mesure sortant quelque peu de la lignée des accords voit le jour : des exemptions de crédits d’impôt pour les acheteurs de véhicules fabriqués sur le sol américain.
Cette mesure a suscité de vives réactions chez son voisin canadien, où une indemnisation similaire est également en vigueur, à la différence près que cette exemption de crédit d’impôt pour les acheteurs de véhicule vaut pour des véhicules fabriqués aussi bien d’un côté de la frontière que de l’autre.
Alors que l’article Les relations nord-américaines, entre solidarité et protectionnisme, met en lumière la relation unissant le Canada et les États-Unis, il est primordial de considérer le reste du monde afin d’avoir un portrait complet de la situation économique et géopolitique des deux pays.
DES CHAÎNES MONDIALES
Les échanges commerciaux avec les États-Unis représentent une majorité du commerce canadien. Malgré tout, le Canada fait bonne figure à l’échelle internationale, surtout en matière d’exportations. La figure 2.3.1 présente les principaux partenaires économiques du Canada.
Figure 2.3.1 - Principaux partenaires économiques du Canada pour les exportations et les importations de 2015 à 2019
Source : World Integrated Trade Solution, s.d.
En tant que puissance économique mondiale, les États-Unis profitent de leur côté d’un commerce international riche et diversifié. La figure 2.3.2 présente leurs partenaires économiques pour les importations et exportations. Le Canada se retrouve au premier rang des destinations pour les exportations américaines à 17,78 %. Pour ce qui en est des importations américaines, le Canada se retrouve au troisième rang à 12,72 %, derrière la Chine et le Mexique. Il est important de remarquer que le volet « Autres pays », occupe une proportion beaucoup plus importante pour les États-Unis que pour leurs voisins du Nord, ce qui témoigne de la diversité de leur commerce international.
Figure 2.3.2 - Principaux partenaires économiques des États-Unis pour les exportations et les importations de 2015 à 2019
Source : World Integrated Trade Solution, s.d.
Au-delà des importations et des exportations de biens et de services finaux, les chaînes de valeurs mondiales constituent une facette de plus en plus importante des relations économiques internationales.
La notion de chaînes de valeur mondiales permet de favoriser la productivité en mettant l’accent sur la spécialisation et les avantages comparatifs des pays (Canada, 2021). L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime que près de 70 % des échanges commerciaux s’effectuent à travers les chaînes de valeur mondiales et non à travers des produits finaux destinés aux consommateurs.
Les chaînes de valeur mondiales (CVM) réfèrent à la production fragmentée d’un produit entre plusieurs pays. Ces étapes englobent entre autres le processus de recherche et développement, le design, la transformation de matières premières, l’assemblage de pièces intermédiaires et la distribution.
Les chaînes de valeur mondiales ont grandement évolué dans le temps (Figure 2.3.3). Les années 1990 marquent le début d’une croissance remarquable. L’émergence de l’Asie coïncide avec l’évolution des chaînes de valeurs mondiales. Ce continent à lui seul représente désormais 50 % des lignes de production des CVM. Dans le secteur proéminent et en pleine expansion des technologies de l’information et des communications (TIC), la région occupe plus de 78 % des lignes de production (Vereinte Nationen, 2018). Ainsi, pour la production d’un bien, les échanges entre les pays deviennent plus nombreux à travers le temps. L’Asie représente désormais une pièce essentielle à l’économie globale. La crise économique de 2007 a ralenti le développement des CVM, mais la tendance semble s’être stabilisée dans les années 2010. La banque asiatique de développement soulève deux raisons pour ce ralentissement reliées à la République populaire de Chine : la première porte sur l’augmentation des taux salariaux qui ont évolué en fonction de la croissance économique du pays. La deuxième raison est la diminution des échanges de la Chine avec le reste du monde et l’augmentation de sa propre production locale.
Figure 2.3.3 - Évolution de la participation des chaînes de valeur mondiales de 1995 à 2020
Source : Asian Development Bank, 2021
LE TRANSPORT MARITIME, UN PILIER DU COMMERCE INTERNATIONAL
L’évolution à travers le temps du commerce international et des chaînes de valeur mondiales est intimement liée au transport maritime. Il s’agit du moyen de transport intercontinental privilégié, surtout dans le déplacement de volumes importants sur de longues distances. Un rapport publié par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement rapporte que 80 % du volume de commerce international et 70 % de sa valeur s’effectuent à travers le transport maritime (Review of Maritime Transport 2021, 2021). L'OCDE, quant à lui, estime que près de 90 % du commerce international s’effectuent sur les eaux.
Les régions à l’étude, soit le Québec et la côte ouest nord-américaine, ont entre autres la particularité d’être situées sur des littoraux opposés. Les ports de Vancouver et de Montréal sont respectivement premiers et deuxièmes au Canada en termes de revenus (CanadianSailings, 2021). Les ports de Los Angeles et de Long Beach, tous deux situés en Californie, représentent près de 31 % du trafic maritime des États-Unis (Port of Los Angeles, s.d.).
En vertu de leur position géographique, les ports communiquent avec des destinations différentes. Celui de Montréal représente l’un des chemins privilégiés entre l’Amérique du Nord et les pays de l’Europe et de la Méditerranée (CanadianSailings, 2016). D’autre part, les effectifs portuaires de la côte ouest nord-américaine sont considérables puisque ceux-ci communiquent surtout l’Asie qui joue un rôle central dans les chaînes de valeur mondiales, et ce, à toutes les étapes de la production. (Figure 2.3.4).
Figure 2.3.4 - Ports importants du Canada et des États-Unis en termes de volume de marchandises (unités équivalentes vingt pieds [EVP])
Source : Transport Canada, 2021
CONTRÔLER L'IMPRÉVISIBLE
Plus le nombre de pays entrant en jeu dans la production de biens et de services est grand, plus cela accentue les risques de problèmes logistiques. En effet, les différentes étapes menant à la production d’un bien destiné aux consommateurs passent par de nombreux pays. La défaillance d’un ou de plusieurs pays peut directement affecter les consommateurs, que ce soit sur le prix ou la disponibilité d’un produit (Solingen, 2021). Des catastrophes naturelles ou des imprévus de tout genre peuvent également être la source d’enjeux économiques importants. La pandémie de la COVID-19 ou encore la récession économique de 2008 en sont de bons exemples.
Alors que la demande de transport maritime est toujours en croissance, l’offre est limitée par de nombreuses restrictions. Le prix des conteneurs a augmenté, les temps d’opération se sont avérés plus longs et l’entreposage de conteneurs est rapidement devenu un défi. L'asynchronisme des situations pandémiques de l’Asie, mise en opposition avec celles de l’Amérique du Nord, a provoqué un engorgement important de conteneurs dans les ports de la côte ouest (Hillebrand, n. d). Les tarifs d’expédition, particulièrement ceux sur l’océan Pacifique, ont gonflé et de nombreux problèmes logistiques sont survenus.
Les chaînes de valeur mondiales sont facilitées par de bas tarifs commerciaux sur les produits échangés et par un système économique multilatéral (OECD, 2022). Les conflits géopolitiques peuvent cependant y nuire. Les relations Chine-Canada et particulièrement Chine–États-Unis ont des répercussions importantes sur le commerce international global. Le défi est exacerbé lorsqu’on parle de chaînes de valeur globales spécialisées. Par exemple, 80 % des minerais utilisés dans la production de batteries au lithium proviennent de la Chine, alors que les États-Unis occupent un rôle prépondérant dans le matériel électronique utilisé dans les semi-conducteurs (Deloitte Insights, 2021). Les conflits géopolitiques entre certains pays représentent donc une source de risque importante pouvant avoir des répercussions mondiales (Asian Development Bank, 2021).
Les chaînes de valeur mondiales constituent un atout économique majeur pour les pays participants. Néanmoins, face à des perturbations imprévisibles, il est impératif de vouloir mitiger les risques sur les retards de production. C’est ainsi que dans le partenariat renouvelé États-Unis–Canada, l’un des points souligne l’importance de « renforcer la chaîne d’approvisionnement canado-américaine ». En gardant les chaînes de valeur en sol nord-américain, la production sera moins affectée par des facteurs externes, car le nombre de variables en jeu diminue. Cette annonce exprime la confiance qu’ont les deux pays l’un envers l’autre et représente un bloc additionnel, parmi tant d’autres, sur lequel s’appuie la relation canado-américaine.
Le pétrole est omniprésent dans plusieurs secteurs de la vie courante. De l’essence, aux produits cosmétiques, en passant par les panneaux solaires et même les jouets pour enfants, il se retrouve partout (CAPP, 2022). Le Canada et les États-Unis sont deux joueurs importants de cette industrie qui est indispensable à la majorité de nos transports.
DES ÉCHANGES EN GRANDES QUANTITÉS
Les États-Unis sont les premiers producteurs de pétrole au monde et le Canada se trouve au quatrième rang de cette liste (Tableau 2.4.1) (U.S. Energy Information Administration, 2022).
Tableau 2.4.1 - Top 10 des pays les plus grands produceurs de pétrole en 2020
Source : U.S. Energy Information Administration, 2022
Bien que la production américaine soit très élevée (Tableau 2.4.1), les quantités exportées et importées entre le Canada et les États-Unis sont très importantes comme le montre la figure 2.4.1. En effet, en 2020, les États-Unis étaient les premiers fournisseurs étrangers de pétrole du Canada avec 77,3 % de ses importations totales, ce qui représente 428,68 milliers de barils par jour (REC, 2021). Les 22,7 % restants sont partagés par l’Arabie saoudite (13 %), le Nigéria (4 %), la Norvège (3 %) et d’autres pays dont les quantités reçues sont moins significatives (2 %).
De l’autre côté de la frontière, les importations venant du Canada atteignent les 4 125 milliers de barils par jour pour la même année, ce qui représente 52,5 % des importations américaines. Le Canada est donc un exportateur net de pétrole vers les États-Unis. Les autres principaux pays fournisseurs des États-Unis sont le Mexique (9,5 %), la Russie (6,9 %) et l’Arabie saoudite (6,6 %) (Figure 2.4.1).
Figure 2.4.1 - Importation de barils de pétrole par jour des États-Unis en 2020
Source : U.S Energy Information Administration, 2022
Le Québec ne produit pas de pétrole sur son territoire (REC, 2022). En effet, c’est l’Alberta qui produit la majorité du pétrole canadien. La figure 2.4.2 illustre la division en termes de pourcentage de la production totale quotidienne de barils de pétrole au Canada, en 2021 (en milliers de barils par jour). Avec toute cette production canadienne, il serait logique de croire que le Québec importe son pétrole du reste du pays. Pourtant, en 2019, seulement 37 % du pétrole importé au Québec venait du reste du Canada contre 67 % des voisins américains (MERN, 2022).
Figure 2.4.2 - Production canadienne de pétrole selon les provinces en 2021
Source : U.S. Energy Information Administration, 2022
Un pays exportateur net exporte plus d’un produit qu’il en importe en une période donnée. En 2020, le Canada était un exportateur net de pétrole vers les États-Unis, alors que ces derniers étaient, pour cette même année et la suivante, un exportateur net à l’échelle internationale. (U.S. Energy Information Administration, 2022).
UNE CHAÎNE DE VALEUR FRAGILISÉE
Les tensions actuelles en Europe ont grandement influencé la chaîne de valeur du pétrole. Comme le démontre le tableau 2.4.1, la Russie se trouve au troisième rang parmi les plus importants producteurs de pétrole au monde. La place qu’elle occupe sur l’offre mondiale est donc très importante (11,19 %).
Dans la foulée du conflit en Ukraine, certains pays dont le Canada et les États-Unis ont coupé les importations de pétrole venant de la Russie en guise de sanction économique punitive (The White House, 2022). Cette marge de manœuvre n’est cependant pas accessible à tous. Par exemple, en 2021, 24,7 % des importations de pétrole de l’Union européenne (UE) provenaient de la Russie (eurostat, 2022). Ensuite, d’autres acteurs entrent en jeu dans la complexification de la chaîne d’approvisionnement. En effet, certains acheteurs de pétrole ont de la difficulté à recevoir des lettres de crédit des banques occidentales en raison des impacts sur les banques russes (Horowitz, 2022). De plus, certaines compagnies navales hésitent ou refusent de naviguer sur la mer Noire en raison de la guerre et du danger que cela entraîne (Murray, 2022). Les blocages de pays tels que le Canada et les États-Unis ne sont donc pas les seuls enjeux dans cette chaîne de valeur complexe.
Une solution appliquée par certains pays dont les États-Unis, le Japon et la Grande-Bretagne afin d’ajouter des volumes de pétrole à l’offre mondiale, est de puiser dans leurs réserves stratégiques. Cette mesure a comme objectif de réduire le prix du baril de pétrole qui est en hausse – le prix du baril est passé de 28,76 CAD en mars 2020 à 138,91 CAD en mai 2022 – en raison de la réduction de l’offre mondiale. Pour les États-Unis, il est question de 50 millions de barils (Kanno-Youngs et al., 2021). La dernière augmentation du prix du pétrole découlait du conflit ukrainien, tandis qu’en 2020, la pandémie de COVID-19 avait entraîné une chute prononcée des prix.
Ces perturbations dans la chaîne d’approvisionnement ont un grand impact sur le prix du baril de pétrole et cela a des conséquences sur les consommateurs qui voient le coût de l’essence grimper.
En date du 9 avril 2022, la Californie était l’État américain où le prix de l’essence à la pompe était le plus élevé (Crude Oil Prices – 70 Year Historical Chart | MacroTrends, 2022). L’État de Washington était au cinquième rang en termes de prix à la pompe, suivi par l’Oregon au sixième rang. Du côté du Canada, la Colombie-Britannique était la province où le pétrole était le plus cher, le Québec se trouvant au quatrième rang (Figure 2.4.3).
La hausse des coûts à la pompe a un grand impact sur l’économie. Évidemment, le secteur des transports est touché par cette augmentation. L’essence étant plus dispendieuse, les transports maritimes, aériens et terrestres voient nécessairement leur coût à la hausse. Cela se reflète également dans la hausse du prix pour le transport d’un conteneur.
QU'EN EST-IL DE L'ENVIRONNEMENT?
Le 4 avril 2022, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publiait la troisième phase du sixième rapport d’évaluation. Ce dernier formule des recommandations environnementales qui permettraient de soutenir les ambitions de l’Accord de Paris (GIEC, 2022). Dans ce rapport, il est expliqué que la réduction des gaz à effet de serre passe par une réduction « substantielle » de l’utilisation des énergies fossiles et que la construction continue d’infrastructures aura pour effet le verrouillage des émissions. Les émissions liées aux énergies fossiles et à l’industrie de l’Amérique de Nord sont les plus élevées en comparaison aux autres régions du monde (GIEC, 2022).
Deux jours après le dévoilement du rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le gouvernement canadien a entériné le projet Bay du Nord du pétrolier norvégien Equinor. Une plateforme de forage sera ainsi construite à 470 km des côtes de Terre-Neuve et devrait fournir de 300 millions à 1 milliard de barils de pétrole pour une période de 30 ans, dès 2028 (Shields & Proulx, 2022).
L’industrie pétrolière ainsi que les autres industries ont un grand impact sur les émissions de gaz à effet de serre, ce qui accélère les changements climatiques. En effet, sur la côte ouest nord-américaine, des feux de forêt font des ravages. Une étude de l’Université Stanford explique que le nombre de jours d’automne présentant des conditions extrêmes et favorables aux feux de forêt a doublé depuis 1980 (Stanford University, 2020). Cependant, les impacts climatiques ne se limitent pas aux frontières. En Afrique, le réchauffement climatique engendre un risque accru de pénurie alimentaire, l’apparition de nouvelles maladies dans des régions ou des catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes (UN Climate Change News, 2020).
La relation unique en son genre qu’entretiennent le Canada et les États-Unis découle de leur grande proximité géographique et de leur histoire commune. La fragilisation des chaînes de valeur occasionnée par la pandémie pousse les deux pays à créer des alliances entre pays limitrophes pour combler leurs besoins avec les atouts de production voisins. Or, malgré la présence de nombreux accords de libre-échange entre ces deux pays, il n’en reste pas moins qu’un jeu de force s’installe sur certains enjeux. Les deux pays visent avant tout la prospérité de leur propre nation. Certaines taxes sont imposées sur des produits critiques, ce qui déstabilise les producteurs et les commerçants. L’émergence des chaînes de valeur mondiales et de la mondialisation devient une réalité inévitable pour le commerce international. La logistique et les coûts du transport maritime ainsi que les conséquences de conflits géopolitiques représentent aussi des défis importants à relever dans le futur.
Noémie Key
Khelil Joudane
Noémie Longpré
Camille Gauthier
Stéfan Nguyen
Ugo Mahue
Walid Chaib Cherif-Baza
Félix Chouinard
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Charles-Étienne Joseph
Linda Chau
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